La Corée du Sud et la Vague coréenne
- Un article de KIM Chông-su, Département de gestion, Faculté d'économie, Korea University.
- Adaptation française par André FABRE
Depuis quelque temps, la culture de masse de la Corée du Sud jouit d'une popularité qui a fait exploser les ventes. Ce phénomène, appelé hallyu et traduit en français par Vague coréenne n'intéressait jusqu'à maintenant que les milieux du spectacle et n'était pas reconnu comme un véritable sujet d'étude scientifique. Mais, tout laisse croire que ce phénomène est d'une grande importance pour notre industrie et notre politique culturelles. Et cette déferlante de la Vague coréenne, comment s'est-elle formée et quel rôle a joué le gouvernement? C'est ce que cet article se propose d'étudier.
Ces temps-ci, on reconnaît que " la culture, c'est de l'argent" et l'intérêt pour l'importance de l'industrie du spectacle va croissant. A titre d'exemple, les bénéfices générés par Jurasssic Park sont l'équivalent de l'exportation par la Corée du Sud de 1.500.000 automobiles. C'est aussi brutal que ça. Dans le cas du Titanic, rien que les ventes à l'étranger ont dépassé les 3,5 milliards de dollars. Le dessin animé japonais Pokémon a rapporté 6 milliards de dollars sur le marché étranger et cela rien que pour l'année 1999. Le film sud-coréen Shiri a battu un nouveau record de 6 millions d'entrées pour tout le pays et a rapporté 50 milliards de won, ce qui correspond au coût de production de 11.657 voitures coréennes Sonata. Actuellement, l'industrie du spectacle est reconnue comme l'une des industries-pivot de l'économie sud-coréenne du XXle siècle, ce qui a amené le gouvernement à prendre des mesures d'urgence dans ce domaine.
En réalité, l'industrie du spectacle actuelle est en train d'exploser sur le marché. En juin 2002, le marché de l'industrie du spectacle dans le monde dépassait les 1.500 milliards de dollars et, pour la Corée du Sud, on l'évaluait à 24 milliards de dollars (environ 29.000 milliards de won). Qui plus est, l'industrie du spectacle occupe une place de plus en plus importante dans l'économie sud-coréenne. D'après le service des statistiques, le nombre total d'entreprises de ce secteur était de 141.824 soit 4,9% de toutes les entreprises sud-coréennes et elles employaient 417.825 personnes soit 3,2 % de toute la main-d'uvre sudcoréenne.
En outre, les ventes totales de l'industrie du spectacle s'élevaient à 24.450 milliards de won, avec une valeur ajoutée de 11.924,5 milliards de won soit 2,5% du PIB.
Ces chiffres nous montrent l'ampleur de l'industrie du spectacle et on a raison de dire qu'elle est devenue une industriepivot de l'économie sud-coréenne.
Aux Etats-Unis, l'industrie du spectacle, avec ses 66,8 milliards de bénéfice rapporte plus que l'industrie chimique (66,4 milliards), l'industrie automobile (58,3 milliards) et l'agriculture (57,3 milliards). Comme le dit le président de la NEA (National Education Association) : "Actuellement, la culture et l'art sont devenus un énorme business".
La chanteuse coréenne BoA jouit au Japon d'une grande popularité.
Son image est utilisée par les publicitaires pour la vente de maquillage et de cosmétiques.
La Vague coréenne aujourd'hui Qu'est-ce que la Vague coréenne?Par Vague coréenne, on entend un phénomène de mode extraordinaire dont a bénéficié la culture de masse sud-coréenne. Cet engouement a pris naissance en Chine puis s'est répandu à Taiwan, à Hongkong, au Vietnam et dans les autres pays de l'Asie orientale. Des milliers de jeunes de cette partie du monde sont devenus des fans de la culture de masse sud-coréenne telle qu'ils l'ont découverte dans les chansons, les séries télévisées et les films. En particulier, plusieurs stars sud-coréennes jouissent d'une popularité beaucoup plus grande que les chanteurs ou les acteurs japonais ou américains.
On dit qu'on a utilisé pour la première fois l'expression Vague japonaise, il y a quelques années en Chine pour désigner l'arrivée en force et fulgurante de la culture de masse japonaise dans les années 80. Maintenant Vague coréenne est devenu le mot symbolisant la "déferlante de la culture de masse sud-coréenne" qui inonde l'Asie orientale. Un imprésario sud-coréen, a dit que ce mot a été utilisé pour la première fois sur l'affiche publicitaire qui annonçait la sortie de l'album de H.O.T, le premier CD sud-coréen à arriver en Chine en mai 1998. Lorsqu'en décembre 1999 le ministère sud-coréen de la Culture et du Tourisme a édité 3 CD consacrés à des pop stars sud-coréennes en trois versions : anglaise, japonaise et chinoise, le titre de la version chinoise était Vague coréenne.
La Vague coréenne dans les pays asiatiques La Chine
C'est ce pays qui est à l'origine de la Vague coréenne. De très nombreux jeunes ont été conquis à un point tel qu'est apparu un groupe qui s'appelait Hahanzu et qui imitait les artistes et la culture de masse de la Corée du Sud. En Chine, ce sont les chansons populaires et les feuilletons radio qui ont tenu le rôle principal. Dès 1996, dans les programmes musicaux de plusieurs radios, la musique pop sudcoréenne commença à être connue. En 1998, les chansons coréennes pop commencèrent à être diffusées en Chine par la radio par satellite de la chaîne de télévision Star TV de Hongkong. C'est aussi à cette époque que, pour la première fois, fut vendu en Chine avec l'autorisation du gouvernement chinois l'album de H.O.T qui figurait en haut du hit-parade des jeunes en Corée du Sud. Les Chinois avaient pensé que, dans un premier temps, cet album se vendrait à 5.000 exemplaires, mais ce furent 50.000 CD qui furent vendus en un seul mois. En particulier, pour le concert donné par H.O.T le 1er février 2000 au stade de Pékin, les 12.000 places furent vendues en totalité, une première pour un groupe étranger. D'autres groupes comme Clan firent un tabac. Leurs concerts à Pékin ou à Shanghai connurent un immense succès. Le feuilleton C'est quoi, l'amour? diffusé à partir de juin 1997 par la télévision chinoise centrale (CCTV) connut un énorme succès et fut la seconde production à avoir le meilleur taux d'écoute des films étrangers. Ensuite, en 1999, Des étoiles sur ma poitrine connut une grande popularité et An Chae-uk, le héros de cette série devint la star la plus populaire en Chine. D'autres séries télévisées connurent elles aussi un immense succès.
Taiwan
La déferlante de la Vague coréenne à Taiwan fut surtout due aux chansons pop. Par exemple, l'album K'ungttari syabara de Clon fut vendu à 450.000 exemplaires en dépit du fait que les chansons étaient en coréen. Juste avant les élections générales en 2000, Chen Sui Bian, candidat du DPP (Democratie Progressive Party) avait fait des chansons de Clon ses chansons de campagne, ce qui montre bien la popularité de ce groupe chez les jeunes de Taiwan. Les concerts géants d'autres groupes tels que H.O.T ou S.E.S connurent eux aussi un immense succès. La chanson pop sud-coréenne est arrivée au top niveau. Les feuilletons télévisés, firent une percée après 1999. En particulier L'étincelle et Contes d'automne éclipsèrent les autres feuilletons et occupèrent la première place du taux d'écoute. A partir de 2001, des groupes de touristes taiwanais sont venus en Corée du Sud faire le tour des principaux lieux de tournage de Contes d'automne. En septembre 2001, une enquête sur Internet menée à Taiwan et portant sur la popularité des stars révélait que c'était une actrice sudcoréenne qui occupait la première place et que six artistes sud-coréens figuraient parmi les dix premiers.
Le Vietnam
Au Vietnam, ce furent les feuilletons télévisés qui eurent le premier rôle dans l'arrivée de la Vague coréenne. Après le succès de Frères médecins diffusé sur tout le territoire en 1999, les feuilletons télévisés sud-coréens tels que Des étoiles sur ma poitrine, La tomate, Voir et revoir se succédèrent sur les ondes et connurent une grande popularité. Chang Tong-gôn, héros de Frères médecins devint tellement célèbre qu'il fut qualifié d' "acteur populaire du Vietnam". L'actrice Kim Nam-ju qui jouait dans Le modèle devint, elle aussi, l'idole des jeunes vietnamiennes qui copiaient son maquillage, son style et ses accessoires de mode. Elle devint tellement célèbre qu'on a parlé du "syndrome de Kim Nam-ju". Les produits de beauté sud-coréens de la marque LG Dûbong firent de bien meilleures ventes que les autres marques étrangères célèbres parce que les femmes vietnamiennes prenaient cette vedette pour modèle.
Hong-kong
A Hong-kong, en 1997, Star TV commença par la diffusion de Des étoiles sur ma poitrine, puis poursuivit avec d'autres feuilletons tels que Comprendre les jeunes, Contes d'automne. Tous, furent bien accueillis par le public. Pour ce qui est de la musique pop, grâce à un programme tel que Pops in Seoul diffusé sur les ondes par la station de radio ATV, elle devint en vogue et les chanteurs sud-coréens connurent la célébrité. Comme un mensonge du chanteur Kim Hyônjông, même avant la vente officielle de son CD en juin 2001, occupait la première place du hit-parade de Hongkong. Après le succès en première exclusivité du film Christmas in August, en 1999, le nombre de spectateurs fous du cinéma sud-coréen ne cessa d'augmenter.
Le Japon
Ces derniers temps, au Japon, l'intérêt pour la culture de masse sud-coréenne a grandi peu à peu. Le film Shiri attira 1.300.000 spectateurs, ce qui marqua le début du boom du cinéma sud-coréen dans ce pays. Par la suite, Joint Security Area (JSA) et d'autres films furent importés dans ce pays et continuent à tenir l'affiche. Pour ce qui est de la musique pop, des artistes et des groupes tels que S.E.S ou BoA ont percé au Japon où ils sont très connus. En particulier, l'album de BoA Listen to my Heart, vendu pour la première fois au Japon le 13 mars 2002, est arrivé à la première place de Orikon, le hit-parade des ventes qui fait autorité au Japon. Cet album fut si bien accueilli qu'il s'en vendit plus de 100.000 en moins d'un jour (1).
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Les facteurs à l'origine de la Vague coréenne Il est difficile de trouver des analyses sérieuses et systématiques des causes de cette Vague coréenne. Nous présentons ici les quatre facteurs qui semblent avoir été à l'origine de ce phénomène.
- Facteur interne:
- la compétitivité de la culture de masse de la Corée du Sud
L'apparition du phénomène de la Vague coréenne est essentiellement due au fait qu'après les années 90 la culture de masse de la Corée du Sud est devenue compétitive. Ce qui veut dire qu'elle a su charmer le public. Charme ne signifie pas forcément qualité, mais ce qui compte, c'est que la culture de masse de la Corée du Sud a su s'emparer du cur du public sans qu'on ait à discuter de sa valeur artistique.
L'engouement de milliers de jeunes d'Asie orientale pour la Vague coréenne ne leur a pas été imposé, c'est d'eux mêmes qu'ils l'ont aimée et c'est de leur propre chef qu'ils ont marché sur ses traces. C'est parce que cette culture de masse sud-coréenne a su pénétrer profondément au fond de leur cur et de leur sensibilité. C'est parce qu'à la différence des cultures de masse des Etats-Unis ou du Japon, la culture de masse sud-coréenne a su leur apporter un charme qu'ils ne trouvaient pas dans leur propre pays. Les belles chansons des chanteurs sud-coréens, le dynamisme de leurs danses, les intrigues captivantes des feuilletons télévisés sud-coréens, le look attirant et la classe des artistes féminines ont fasciné d'innombrables jeunes d'Asie orientale.
La chanson pop est un secteur de la culture de masse sud-coréenne qui a une forte compétitivité. Elle représente 75 % des ventes de CD sur le marché intérieur. Ces ventes ont joué un rôle essentiel dans le déferlement de la Vague coréenne. La Dance Music sud-coréenne, en particulier, est considérée comme jouissant de la plus forte compétitivité en Asie orientale. Les groupes sud-coréens tels que H.a.T, Clon et Baby Box qui provoquent l'enthousiasme des jeunes asiatiques sont tous des virtuoses de la Dance Music. Etant donné que sa version sud-coréenne représente une adaptation à la sensibilité coréenne du rap et du hip-hop américains, elle possède un charme extraordinaire qui a su allier le style occidental à la sensibilité orientale. Il est aussi indéniable que le J-Pop japonais, basé sur le Rock, est d'un niveau mondial, ce qui n'est pas le cas en Corée du Sud, mais la Dance Music sud-coréenne est tellement compétitive que les chanteurs sud-coréens occupent la première place au hit-parade de la vente des CD au Japon.
- Facteur externe:
- les changements politiques et économiques en Asie orientale
Les changements politiques et économiques qui ont eu lieu ces dernières années en Chine, au Vietnam et dans d'autres pays de la zone, ont joué un rôle important dans l'arrivée de la Vague coréenne. Des pays comme la Chine et le Vietnam ont connu une forte croissance due à l'ouverture et à la mondialisation. Cela a eu pour résultat une croissance rapide de l'économie avec pour conséquence un besoin de culture au sein de la population. Par contre, la culture propre à ces pays ne suffisait plus quantitativement ou qualitativement à satisfaire le public. C'est précisément ce vide culturel qu'est venue combler la culture de masse de la Corée du Sud et qui a provoqué le déferlement de la Vague coréenne. La Chine connaît ces derniers temps une croissance économique remarquable et ininterrompue, son marché s'agrandit à la vitesse grand V. Dans les remous de cette croissance, se sont constituées dans les zones urbaines des classes jouissant d'une richesse phénoménale au sein desquelles la politique gouvernementale de l'enfant unique a accru le nombre de familles n'ayant qu'un seul enfant. Dans les classes supérieures des villes, les jeunes de familles riches que l'on appelle les "petits empereurs" et qui bénéficient de toute l'attention et de toutes les faveurs de leurs parents, ont une grande ouverture d'esprit et un accès libre aux produits culturels venus de l'étranger. Ils ne peuvent plus se satisfaire de la culture chinoise qu'ils connaissent déjà, et sont avides de découvrir une culture étrangère. C'est ce qui en a fait des fans de culture coréenne. Les considérations politiques ont joué aussi un rôle non négligeable dans le fait que la culture de masse de la Corée du Sud, qui n'est ni américaine ni japonaise, comble le vide culturel en Asie orientale. Au Vietnam ou en Chine, pays socialistes, l'utilisation sans filtrage de la culture de masse des Etats-Unis, considérés comme un producteur capitaliste, pose problème. Il n'est pas facile non plus pour ces deux pays de faire bon accueil à la culture de masse du Japon, pays qui évoque en Chine un passé douloureux. Par comparaison, la culture de masse de la Corée du Sud, pays qui partage avec les autres pays d'Asie la même idéologie confucéenne, a su s'habiller aussi avec les habits de l'Amérique. Autrement dit, la culture de masse sud-coréenne, bien qu'elle soit à l'origine une culture de masse à l'américaine, peut être acceptée relativement sans pressions du fait qu'il s'agit d'une culture de fusion, orientalisée par le biais d'une sensibilité coréenne influencée par le Japon. C'est ce qui a permis à la Vague coréenne de déferler.
- Facteur individuel:
- quelques hommes d'affaires entreprenants
Quand on fait le compte des facteurs du phénomène de la Vague coréenne, on ne doit pas oublier un nombre restreint d'hommes d'affaires entreprenants du monde du spectacle.
Kim Yun-ho, par exemple, est allé s'établir en Chine en 1996 où il a présenté beaucoup de musique pop sud-coréenne sur les ondes des stations de radio chinoises telles que Pékin Musique, lnforoute, Radio Commerce. Il profita de cette occasion pour analyser les préférences musicales des Chinois et arriva à la conclusion que la Dance Music sud-coréenne avait sa chance. C'est parce que la musique pop sud-coréenne différait des romances chantées par les interprètes de Taiwan ou de Hong-kong qui, à l'époque, étaient sur le devant de la scène. Et que la musique pop sud-coréenne, grâce à son rythme et à son tempo endiablés pouvait se permettre de contourner la difficulté de la langue coréenne dans laquelle les paroles étaient écrites. Il n'eut de cesse de rencontrer de nombreux responsables pour organiser de grands concerts, vendre des CD et faire connaître cette musique. C'est grâce à lui que parut le CD du groupe H.a.T, le plus célèbre de Corée du Sud à l'époque. Il y a aussi Pak Yông-gyo de la société de spectacles Media Plus et Chông Yôn-jun, son directeur adjoint, qui ont contribué énormément au boom de la Vague coréenne. Après avoir créé une société dont l'objectif était de pénétrer le marché chinois, en février 1996, ils passèrent un accord avec la radio internationale de Chine pour diffuser de la musique sud-coréenne et, enfin, en mars 1997, ils obtinrent l'accord du gouvernement chinois pour diffuser un programme musical dans le cadre des échanges culturels entre la Chine et la Corée du Sud. Par la suite, ils reçurent les autorisations du Cabinet du Premier ministre, du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture, leur permettant de diffuser des programmes de musique coréenne sur cinq stations de radio régionales dont celle de Pékin. Le mois de juillet vit le début d'un programme régulier intitulé Musique de Séoul. Par la suite, la diffusion dans les régions et le temps d'écoute augmentèrent de plus en plus.
- Facteur politique:
- L'aide du gouvernement pour promouvoir à l'étranger l'industrie du disque sud-coréenne
On ne le sait pas, mais, derrière la Vague coréenne, se cachent l'aide et le soutien du gouvernement sud-coréen. Par exemple, lors du concert donné en février 2000 en Chine par le groupe H.O.T, le ministère de la Culture et du Tourisme a apporté une aide officielle, comme l'indique une source gouvernementale chinoise. Pak Chi-wôn, ministre de la Culture et du Tourisme de l'époque, a invité les membres du groupe et leur imprésario Yi su-man pour les encourager. Il était difficile pour des artistes qui n'avaient pas accompli leur service militaire de partir en voyage officiel à l'étranger mais, à la demande expresse du ministère de la Culture et du Tourisme, les autorités militaires surent se montrer compréhensives.
C'est en 1996 que, pour la première fois, le gouvernement sud-coréen a pris des mesures pour aider l'industrie du disque sud-coréenne à pénétrer les marchés étrangers. Après s'être renseigné sur les expositions internationales consacrées aux disques et aux CD, le ministère a patronné des entreprises nationales pour qu'elles participent en mai de l'année suivante au MIDEM ASIA à Hong-kong. C'est à cette occasion que, pour la première fois, le ministère accorda une aide pour la publication de brochures et de CD d'information destinés aux acheteurs étrangers ainsi que pour la mise en place d'un stand commun de présentation des CD sud-coréens. Le budget accordé pour cette action était de 42 millions de won. Il s'agit du premier cas d'aide gouvernementale destinée à développer l'industrie du disque. Plus tard, en 1998, toujours avec l'aide du ministère, une maison de disques sud-coréenne a produit un CD destiné à la vente à l'étranger. Ce CD a été enregistré par un groupe allemand. Les chansons coréennes étaient chantées en anglais. Il s'agissait de musique pop de style Trot (2).
L'aide du ministère de la Culture et du Tourisme a servi essentiellement à favoriser la pénétration des marchés étrangers par la chanson pop sudcoréenne. Elle s'est concrétisée par la production de CD en langues étrangères destinées à mieux la faire connaître au public.
Des versions anglaise, chinoise et japonaise ont été enregistrées. Il s'agissait de compils adaptées aux publics étrangers et enregistrées par les chanteurs populaires sud-coréens eux-mêmes. Le titre de l'album en chinois était justement Han liu, la Vague coréenne. Ce CD fut produit à 6.000 exemplaires et distribué en Chine par des organisations locales. Ce fut l'occasion de faire connaître la musique pop sud-coréenne et de répandre l'usage du terme Vague coréenne. Pour favoriser l'accroissement des ventes et obtenir des informations sur les marchés étrangers pour les CD sudcoréens, le gouvernement poursuivit son aide aux maisons de disques nationales en finançant leur participation aux expositions internationales telles que le MIDEM, le POPKOMM ou le WOMEX. Une autre action importante du ministère de la Culture et du Tourisme fut d'aider les programmes de radio qui présentaient la musique pop sud-coréenne dans les différentes régions d'Asie. Channel V, la station radio de Star TV de Hong-kong, un réseau très influent dans toute l'Asie, diffuse le programme Seoul Vibration qui présente les nouveautés de la chanson pop sud-coréenne. Une partie de l'aide pour la mise au point de ce programme a été fournie par le ministère de la Culture et du Tourisme. On trouve aussi A l'écoute de la Corée du Sud, un programme présentant des chansons sud-coréennes, réalisé conjointement par un producteur sud-coréen et la Radio Nationale Centrale Chinoise (CNR) et diffusé tous les samedis dans toute la Chine et en Asie du Sud-Est. Ce programme, lui aussi, a bénéficié d'une aide du gouvernement de la Corée du Sud. Ont été également publiées et diffusées des brochures en anglais, japonais et chinois, destinées à présenter à l'étranger les dernières tendances de l'industrie du disque et de la chanson pop sud-coréenne.
Le gouvernement sud-coréen poursuit également ses efforts pour favoriser la pénétration du marché chinois. En juillet 2001, Kim Han-gil, à l'époque ministre de la Culture et du Tourisme, s'est rendu en visite en Chine pour y discuter de l'élargissement des exportations de programmes télévisés sud-coréens. Au départ, le gouvernement chinois avait fixé des quotas d'importation et contrôlait les heures de diffusion, mais, à partir d'août 2001, les importations de programmes sud-coréens furent complètement libéralisées. En outre, entre le 9 et le 11 juin 2002, lors du "Festival de télévision de Shanghai", foire exposition de produits audiovisuels, la Corée du Sud était représentée par 140 personnes et une vingtaine de sociétés dont quatre radios, la télévision par câble, des fabricants et des fournisseurs du secteur privé. Le ministère a apporté son aide pour le "Stand Corée du Sud" qui regroupait tous les exposants de ce pays avec pour objectif l'information et le marketing sur place des entreprises sud-coréennes. Et c'est toujours le ministère qui a contribué financièrement au Korea Day, événement culturel auquel ont participé les artistes sud-coréens à la mode dont le groupe H.O.T. dans son intégralité.
Analyse des particularités du phénomène de la Vague coréenne
Les chansons pop en haut du hit-parade de la Vague coréenneC'est la musique pop qui a joué le rôle principal dans la Vague coréenne. C'est elle qui avait la plus forte compétitivité au sein des produits culturels made in Korea. En particulier, la Dance Music avait une compétitivité plus forte que la J-Pop japonaise. Jusqu'à la fin des années 80, la musique pop étrangère exerçait une véritable hégémonie, mais, à partir des années 90, la musique pop coréenne a conquis le marché intérieur et a donné naissance à la Vague coréenne qui a déferlé sur l'Asie orientale. C'est la Dance Music qui est à l'origine de la croissance rapide de la musique pop sud-coréenne, mais ce n'est pas à cause de l'aide ou de l'appui du gouvernement; elle a réussi par ses propres forces dans cette lutte pour la vie. Alors que le gouvernement avait fait des efforts pour protéger le cinéma coréen avec des quotas, il n'avait rien fait pour empêcher la domination de la musique pop étrangère à la radio, dans les cafés musicaux, les discothèques et les night clubs. C'est grâce à des artistes tels que Cho Yong-p'il et Sô T'ae-ji que la Dance Music sud-coréenne s'est emparée de la radio et du marché. Pourquoi la Dance Music? Parce que, pendant toute la période de la dictature, de nombreuses chansons dont les paroles étaient jugées osées voire licencieuses par le pouvoir furent interdites d'antenne. Seule la Dance Music, musique de divertissement, a su passer au travers de ces interdits et partir à la conquête de l'Asie orientale.
Un succès qui n'avait pas été préparéUne autre caractéristique essentielle de la Vague coréenne, c'est qu'elle n'avait pas été planifiée et que personne ne s'attendait à un tel succès.
Celui-ci est dû à la combinaison des quatre facteurs précédemment cités: facteur interne, la compétitivité de l'industrie du spectacle, facteur externe, la situation économique et politique à l'étranger, facteur individuel, l'esprit d'entreprise des hommes d'affaires, facteur politique, l'aide du gouvernement. C'est la combinaison de ces quatre facteurs qui a créé un énorme "créneau" pour la Vague coréenne et qui est à l'origine de sa Success Story.
Quelles sont les implications de la politique de l'ndustrie du spectacle?
- L'objectif de la politique de l'industrie du spectacle:
- Culture et/ou Industrie
Comment combiner deux concepts qui semblent opposés: celui de culture, noble et spirituel et celui d'industrie, terre à terre et matériel? Dans le cas de l'industrie du spectacle, c'est l'industrie qui a plus de valeur que la culture. Il s'agit de vendre des produits à contenu culturel. Quand on fait du commerce, on essaie de rendre un produit le plus attractif possible et de le vendre au maximum.. C'est pourquoi l'objectif prioritaire de la politique du gouvernement dans le domaine de l'industrie du spectacle a été de "fournir un produit culturel qui se vende bien". Il fallait donc qu'il soit de bonne qualité culturellement mais qu'il soit aussi populaire auprès des masses et permette de gagner beaucoup d'argent. Cela ne veut pas dire que l'argent compte plus que la culture. Mais, étant donné que l'industrie du spectacle est une industrie, son objectif est de faire du profit.
Une industrie basée sur l'artisteOn peut dire que les stars sont le bien essentiel de l'industrie du spectacle. Bien sûr, comme pour les autres industries, il faut des capitaux, des technologies de pointe, mais, dans la phase de création d'un produit original, ce matériel, dans le même environnement, n'importe qui ne peut égaler des artistes de talent tels que Cho Yongp'i! ou Sô T'ae-ji. Si on ne fait pas partie du groupe H.O.T, on ne pourra pas avoir le même succès que ce groupe, même si on porte les mêmes vêtements qu'eux, si on danse comme eux ou si on chante comme eux. Ce qui montre bien que c'est l'individu qui compte dans l'industrie de la culture. Matériel, technique et capitaux ne suffisent pas. L'essentiel, c'est la créativité de l'artiste.
Autonomie et ouvertureLe fait que la Dance Music, qui a vogué sur la crête de la Vague coréenne, se soit développée sans subir les interventions ni la réglementation du gouvernement a fait cogiter ceux qui s'intéressent à la politique de l'industrie du spectacle. Le terreau sur lequel apparaît et grandit un artiste créatif, c'est une société qui connaît la liberté et l'ouverture. Les règles du gouvernement ou celles des conformistes ne peuvent que couper les racines du développement de l'industrie du spectacle. On a beau avoir un talent hors du commun, on ne devient pas artiste du jour au lendemain. On tâtonne, on connaît des erreurs. On ne donne naissance à une uvre d'art remarquable qu'après des tentatives et des échecs. C'est pourquoi il est impératif de créer un environnement où domine la liberté pour que tout artiste désireux d'être créatif puisse expérimenter ce qu'il veut sans entraves. Il est aussi nécessaire d'autoriser l'ouverture maximale du marché de la culture par une politique de développement de l'industrie de ce secteur. Le consommateur peut disposer d'une grande gamme de produits culturels et le producteur voit la qualité des produits augmenter en raison de la concurrence. Tout cela ne présente que des avantages. En outre, les producteurs doivent faire face à la concurrence de produits culturels étrangers de bon niveau. Si, au contraire, pour protéger l'industrie du spectacle, on empêche l'ouverture, ce sont, en définitive, les consommateurs et les producteurs qui sont lésés. C'est parce que la culture, à la différence des autres biens ou produits, ne se limite pas à un produit consommé en une seule fois. Les produits culturels étrangers, en se glissant dans le cur du public, deviennent une ressource que l'on peut utiliser ultérieurement dans une activité créatrice nouvelle. En Corée du Sud, où il y a eu une libéralisation totale pour la Pop Music américaine, la musique pop s'est tellement développée qu'elle a dominé le marché. Dans le cas du cinéma sud coréen, après la libération des devises en 1987, cette industrie nationale s'est développée davantage tant quantitativement que qualitativement, et cela au sein d'une concurrence accrue. Ces deux constatations témoignent du fait qu'il ne faut pas considérer la consommation d'une culture étrangère comme un préjudice ou une source de dépenses.
Les capacités et la responsabilité limitées du gouvernementLa Vague coréenne, cela implique aussi que quand on élabore et applique une politique de l'industrie du spectacle, il ne faut pas "rouler les mécaniques". Si le gouvernement espère réussir en appliquant une "bonne politique", ce n'est qu'un mythe. La rationalité de l'espèce humaine est foncièrement limitée, par conséquent, les efforts du gouvernement pour résoudre un problème ne peuvent qu'être, eux aussi que limités. Le gouvernement a tendance à vouloir accomplir trop de choses. Point n'est besoin de s'obstiner à se fixer des objectifs impossibles. Ce n'est qu'un show politique destiné à sauver la face. En réalité, comme l'a montré l'analyse ci-dessus, la déferlante de la Vague coréenne dont on a fait l'éloge en raison du succès de la musique pop sud-coréenne, est un "succès non planifié". Ce n'est pas à cause de l'aide du gouvernement que la Vague coréenne a déferlé, et il est difficile d'affirmer qu'à l'avenir un autre phénomène de même ampleur surgira avec le soutien et le patronage de l'Etat. Parce que ses capacités sont non seulement limitées, mais aussi parce que les domaines où elles peuvent s'exercer sont eux aussi extrêmement limités. On ne peut pas garantir qu'il n'y aura aucun changement dans le cur des jeunes de l'Asie orientale qui, après s'être enthousiasmés pour les chanteurs japonais, trouvent maintenant que les chanteurs sud-coréens sont encore meilleurs. L'industrie du spectacle est, par essence, quelque chose qui parle au cur. Et du fait que le cur est, par essence, capricieux, on ne peut savoir ni quand ni comment il changera. Si on veut faire des prévisions, il faut au moins une certaine rationalité, mais on ne peut pas expliquer de façon rationnelle les sentiments. Cela n'entre pas dans les compétences des fonctionnaires. En outre, si le gouvernement accorde une aide politique conséquente à l'industrie du spectacle, il peut se laisser bercer par l'illusion que des artistes de talent remporteront un succès éclatant. Mais, il n'y a aucune garantie qu'en créant un espace de liberté créatrice où toute contrainte est absente et en libéralisant le marché de la culture, cela donnera naissance automatiquement à de tels artistes.
Ce que suggère l'analyse du phénomène de la Vague coréenne, c'est qu'il est presque impossible de prévoir à l'avance quand, où et comment les graines semées par la politique du gouvernement vont donner des pousses. Cela est dû aux particularités de l'art et de la culture. Pour créer une nouvelle uvre d'art, il faut absolument et au préalable consommer (apprécier) pendant une longue période de nombreuses uvres d'art. Mais il n'existe encore aucune règle qui permette de dire si cela rendra possible la création d'une uvre nouvelle. Les résultats escomptés sont loin d'être évidents. Qu'un gouvernement puisse planifier l'originalité de l'art et de la culture n'est qu'une illusion sans espoir. Tout ce que l'on peut faire, c'est attendre pour voir si les graines qu'on a semées donneront des pousses.
Ceci ne veut pas dire bien entendu que l'aide du gouvernement pour développer l'industrie du spectacle ne sert à rien. Il n'a pas été mauvais que, ces dernières années, le budget pour l'industrie du spectacle augmente jusqu'à presque 200 millions de won, soit plus de 1% du budget total du gouvernement. Mais, l'important, c'est qu'on ne peut pas s'attendre à des résultats politiques futurs. Quand on prend en considération l'incertitude inhérente à la culture ainsi que la limitation des capacités du gouvernement, il faut bien comprendre que, par nature, la politique de l'industrie du spectacle est un investissement hasardeux.
On ne peut pas toujours obtenir ce qu'on espère, mais il arrive qu'on puisse obtenir ce à quoi on ne s'attendait pas. Par exemple, le CD "Vague coréenne" produit sur le budget du ministère de la Culture et du Tourisme en décembre 1999, a connu un succès plus grand que prévu. Cela signifie que, plutôt qu'une aide matérielle importante dans un seul secteur spécifique, il est de loin préférable de pratiquer une aide plus diversifiée allouant des budgets moins substantiels, mais à des secteurs plus nombreux. Autrement dit, plutôt que de maximaliser la possibilité de succès, réduire la possibilité d'échec représente une approche plus sage et plus intelligente.
Conclusion Le présent article a mis en évidence le phénomène récent de la grande popularité de la culture de masse de la Corée du Sud en Asie orientale et examiné sa signification en tenant compte de la politique dans le domaine de l'industrie du spectacle. Comme nous avons essayé de le montrer, le déferlement de la Vague coréenne n'a pas été quelque chose de programmé, il s'agit d'un "succès qui n'avait pas été préparé à l'avance" et qui est le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs: interne, externe, individuel, politique. En dépit de certaines perceptions négatives de la Vague coréenne, non seulement l'image de la Corée du Sud à l'étranger s'est considérablement améliorée, mais cette Vague coréenne a aussi engendré d'importants résultats économiques : elle a fait progresser les exportations, ce qui donne un bilan globalement positif. C'est pourquoi on accorde beaucoup d'attention à la nécessité d'une aide politique qui permette à la Vague coréenne de continuer à provoquer l'enthousiasme de ses fans.
L'industrie du spectacle est une industrie, mais la culture occupe une place à part au sein des opérations commerciales. La culture est par essence quelque chose qui s'adresse à la sensibilité de l'homme. Du moment qu'on produit de la beauté et du charme et qu'on sait toucher les curs, ça se vend bien. Et, comme le cur de l'homme est changeant, il faut s'inquiéter de ses caprices. Qui plus est, il est très difficile de créer artificiellement un article ayant du charme et de la beauté.
Pour conclure, faisons une comparaison: la politique de l'industrie du spectacle, c'est comme vouloir frapper une plume avec une batte de basebaIl. La batte de baseball n'est pas faite pour frapper une plume. Si on la brandit comme pour frapper une balle, on ratera la plume. Il vaut mieux frapper en douceur en évitant d'user de la force. Si on frappe juste, c'est qu'on a eu de la chance, mais si on rate, il n'y a pas de quoi se faire insulter. C'est parce que frapper une plume avec une batte de baseball, ce n'est pas si évident que ça. .
(1) Sonate d'hiver, un feuilleton télévisé coréen de Yun Seok Ho, l'auteur de Contes d'automne, a également remporté dernièrement au Japon un succès colossal. (N.D.T.)
(2) Trot est l'abréviation de Fox-trot. Ce terme s'applique à la musique particulièrement prisée par les gens du troisième âge.
Pour en savoir davantage, on peut consulter sur Internet les sites suivants : En français
- http://courrier.koreaherald.co.kr (site du Courrier de la Corée)
- http://cultureetloisirs.france3.fr (sur le nouveau cinéma coréen)
- http:/,assoc.wanadoo.fr/france-coree/ (site France - Corée Associations)
- http://www.korea.net/News (sur la Vague coréenne)
En anglais :
- http://www.knto.or.kr (sur le tourisme en relation avec la Vague coréenne)
- http://www.kpopmusic.co.uk (site très complet sur la musique pop coréenne ou K-pop)
- http://www.koreanfilm.org (sur les récents succès des feuilletons télévisés au Japon, en particulier l'analyse du succès de Sonate d'Hiver par Diana Lee).
Extrait de la revue "Culture Coréenne" N°68 - Décembre 2004 Directeur de la publication: MO Chul-Min Rédacteur en Chef: Georges ARSENIJEVIC Centre Culturel Coréen - Ambassade de Corée en France FRANCE-CORÉE - L.ROCHOTTE Février 2005
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