La Corée, pays invité d'honneur du

Xème FESTIVAL INTERNATIONAL DE GÉOGRAPHIE

de Saint-Dié-des-Vosges

30 septembre au 3 octobre 1999

par Jean-Robert PITTE

_________________________________________

PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE PARIS-SORBONNE

PRÉSIDENT DU COMITÉ NATIONAL FRANÇAIS DE GÉOGRAPHIE

ET DU DIRECTOIRE SCIENTIFIQUE DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE GÉOGRAPHIE DE SAINT DIÉ DES VOSGES


La dixième édition du Festival International de Saint-Dié-des-Vosges s'est tenue du 30 septembre au 3 octobre derniers. Entre 30 et 50.000 personnes venues de toute la France et de l'étranger ont participé aux manifestations scientifiques et ludiques de ce grand rendez-vous de la géographie, une discipline qui, d'année en année, perd son image rébarbative et apparaît comme incontournable pour comprendre le monde contemporain et ses multiples enjeux environnementaux, politiques, culturels, économiques. L'étude et la gestion des territoires est est au cœur de l'effort de l'humanité pour rendre sa planète mieux habitable.

 

Marie Pierret, SE Kwon In-yuk, Robert Bernard maire, Jean-Marie Cavada président, Christian Pierret président-fondateur .

Chaque année, les responsables du FIG choisissent un pays invité. En 1999 la Corée du Sud a été celui-ci pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le président-fondateur du FIG, M. Christian Pierret, étant actuellement secrétaire d'État à l'industrie, à la poste et à l'énergie, souhaitait que soit choisi un pays industriellement développé entretenant des relations étroites avec la France. Par ailleurs, la Corée du Sud organise en août 2000, à Séoul, le Congrés de l'Union Géographique internationale qui attirera plusieurs milliers de géographes venus de tous les pays du monde. Le FIG de Saint Dié était donc une bonne occasion d'évoquer cette manifestation et d'inciter les géographes français à s'y rendre afin, par la même occasion, de découvrir un pays que les Français dans leur ensemble connaissent assez mal. Enfin, le thème du FIG 1999, "Géographie de la nature, nature de la géographie", trouvait une illustration intéressante en Corée, pays ayant vécu une période de haute croissance et qui subit actuellement une crise à la fois grave et probablement passagère. Les montagnes y restent vides, domaine des esprits et des ancêtres qui y possèdent leur dernière demeure dans des cadres paradisiaques. Les plaines sont très densèment occupées, selon des modèles paysagers qui déroutent les Occidentaux, par exemple les tanji (grands ensembles). Après des décennies de construction spéculative et anarchique, de construction d'usines sans aucune préoccupation paysagère et environnementale, la crise oblige les acteurs coréens de l'économie et de l'aménagement à réfléchir aux conséquences de leurs choix. Déjà, la plupart des usines récentes sont exemplairement propres (par exemple l'usine POSCO à Kwangyang). Bientôt sans doute, la Corée reviendra à un urbanisme plus imprégné des valeurs profondes de sa culture et tourné vers l'inventivité. C'est ce qu'a bien montré la table ronde organisée à la CCI de Saint Dié sur le thème "Croissance économique, crise et gestion de l'environnement en Corée" qui fut animé par Christian Pierret, Secrétaire d'État à l'Industrie, et à laquelle ont participé SE Soo-gil Young, Délégué permanent de la Corée auprès de l'OCDE, Suk-ki Hong, chercheur au laboratoire Espace et Culture de l'Université de Paris-Sorbonne, Valérie Gelézeau, Maître de Conférence à l'Université de Marne-la-Vallée, Karine Grijol, Maître de Conférences à l'Université de Perpignan.

 

Marie Pierret, Christian Pierret président fondateur, Léon C. Rochotte France-Corée

Les œuvres d'art plastiques (peintures, sculptures) exposées pendant le FIG au Musée Pierre Noël et dans le cloître de la cathédrale témoignent de ce souci très présent dans la culture coréenne contemporaine, d'affirmer une foi optimiste dans la modernité et, en même temps, un attachement profond au lignage des traditions. Le concert de kayagum de Madame Youn So-hee (artistement accompagnée au tambour par Park Geun-young) donné le 2 octobre au musée, associant une séquence traditionnelle et une séquence très moderne, participa de cette demonstration. De même l'éblouissant concert de piano de Kun-woo Paik, applaudi par une assistance émue, debout témoigna de la capacité de celui-ci à renouveler en profondeur le répertoire classique de Mozart, Beethoven, Chopin, Bizet, Liszt, tout en respectant les œuvres et les auditeurs français, s'adaptant à merveille à l'acoustique très particulière de la cathédrale de Saint-Dié qui l'avait, dans un premier temps, surpris. Bravant le vent et quelques bourrasques de pluie, la compagnie de danse Jung Je Man, de l'université Sook Myung, a offert dans les rues et sur les pelouses de la ville plusieurs danses qui on réjoui tous les Déodatiens (habitants de la ville de Saint-Dié-des-Vosges NDWM) en particulier lors du grand spectacle pyrotechnique qui, le samedi 2 octobre, a embrasé le ciel de Saint-Dié pour célébrer le 10ème anniversaire du Festival.

 

 

Tour de la Liberté à Saint Dié des Vosges illuminée pour le Festival

 

D'autres manifestations coréennes ont également eu lieu pendant le Festival : une table ronde sur la dénomination de la mer du Japon, animée par Jean-Robert Pitte avec la participation du professeur Yu Woo-ik de l'université nationale de Séoul, et le professeur Philippe Pelletier de l'université de Lyon II. Une proposition a notamment été faite au cours de celle-ci : celle de réunir un jour à Paris, à la Société de Géographie par exemple, en terrain "neutre", une grande conférence internationale sur cette question, laquelle pourrait aboutir à une proposition qui serait ensuite transmise à l'UNESCO et à l'ONU. C'est là une des vocations de la Société de Géographie, la plus ancienne du monde, créée en 1821, que de rapprocher les points de vue dans ces questions diplomatiques complexes. C'est ainsi qu'il y a 120 ans, le tracé du canal de Panama a été décidé au cours d'une grande conférence internationale qui s'était tenue dans ses murs.

 

La compagnie de danse Jung Je Man, de l'université Sook-Myung

 

La Corée fut très présente aussi au Salon de la Gastronomie, l'une des manifestations les plus populaires du Festival. Un restaurant coréen a initié les palais français à l'odeur et au goût du kimchi et du pulgogi. Deux conférences ont permis de mieux comprendre l'esprit de la gastronomie coréenne en relation avec la géographie de ce pays : l'une par Valérie Gelézeau, était intitulée "Alimentation et gastronomie de la Corée" ; l'autre, par Karine Grijol présentait " Les aliments sauvages de cueillettte en Corée". Une dégustation de sauterelles, de vers à soie et de pâte de glands a permis aux habitants de Saint-Dié de se livrer à quelques travaux pratiques.

 

Ajoutons à cet ensemble très riche que de nombreux films documentaires et de fiction ont été présentés à l'IUT, que l'Office National du Tourisme Coréen (KNTO) tenait un stand au Salon du Livre où étaient, par ailleurs présentés divers ouvrages coréens traduits en français. Enfin, last but not least, le musée Pierre Noël a présenté l'extraordinaire collection de cartes anciennes de Corée appartenant au professeur Lee Chan, Vice-Président de l'Union Géographique Internationale, qui a tenu à installer lui-même ses précieux documents et à les commenter au cours de plusieurs visites organisées pour les personnalités présentes.

 

On l'aura compris, l'effort accompli par le Ministère Coréen de la Culture et du Tourisme, l'Ambassade de Corée en France, l'Office National du Tourisme Coréen à Paris, le Fondation culturelle Samsung et la Korean Air a été considérable. Aucun autre pays invité au FIG de Saint-Dié n'avait jusqu'alors déployé autant de talent et d'imagination, a souligné Christian Pierret, Président-Fondateur du Festival de Géographie, lors de la cérémonie de clôture. Que toutes ces institutions et tous nos amis coréens soient sincèrement remerciés pour leur présence et que progresse ainsi l'amitié entre les géographes coréens et français, entre Coréens et Français, plus largement.

J-R P. X/1999

 

REMERCIEMENTS PARTICULIERS :

à Mme Kim Airyung, coordinatrice coréenne auprès du Festival pour sa souriante efficacité.

MANIFESTATIONS CORÉENNES PRÉCÉDENTES À SAINT DIÉ DES VOSGES :

- Inchon City Chorale, 14 Juillet 1997
- Seoul Ladies Singers,4 février 1998

 


CONTACTS : A.D.F.I.G. Association pour le Développemant du Festival International de Géographie Hôtel de Ville - Place Jules Ferry - B.P. 275 - 88107 Saint Dié des Vosges cedex Tél. +33 (0) 329 526 678 - Fax : +33 (0) 329 560 931 - Minitel : 3615 géophiles
web : http://www.ville-saintdie.fr/fig/
Les actes du FIG sont sur le site de l'Université de REIMS : http://xxi.ac.reims.fr/fig-st-die/  
 


 

29ème Congrès International de Géographie

Séoul

Lundi 14 au vendredi 19 août 2000

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Ce Congrès de l' U.G.I. est organisé par :

Comité d'Organisation du 29ème Congrès International de Géographie Département de Géographie Université Nationale de Séoul , SÉOUL 151-742 KR Tél. 00 82 (0)2 876 0400 - Fax : 00 82 (0)2 876 0401 - Email : igcseoul@plaza.snu.ac.kr
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Un voyage pré-Congrès et Congrès de l'U.G.I. en Corée est organisé du : 6 Août au 19 Août 2000 sous l'égide du Comité National Français de Géographie
Initiation à la géographie de la Corée

 

Organisateurs scientifiques :
Jean-Robert PITTE, Président du Comité National Français de Géographie
Suk-ki HONG, Chercheur au Laboratoire Espace Culture de la Sorbonne
Valérie GELÉZEAU, Maître de Conférence à l'Université de Marne-La-Vallée
Karine GRIJOL, Maître de Conférence à l'Université de Perpignan

Comité National Français de Géographie,

191 rue Saint Jacques - 75005 PARIS

 
Ce voyage d'initiation à la géographie de la Corée est organisé par l'Agence MAN TRAVEL sur le plan des prestations de transport et d'hébergement 
Notice détaillée disponible auprès de: MAN TRAVEL 6 rue Chevreuse 75006 PARIS - tél. 0 142 790 103 - fax: 0 143 205 762
  

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Congrès de l' U.G.I.

Comité d'Organisation du 29ème Congrès International de Géographie, Séoul 13 au 19 août 2000 Département de Géographie Université Nationale de Séoul , SÉOUL 151-742 KR Tél. 00 82 (0)2 876 0400 - Fax : 00 82 (0)2 876 0401 - Email : igcseoul@plaza.snu.ac.kr _________________________
Le Congrès de l'UGI à Séoul

par Jean-Robert Pitte, président du Comité National Français de Géographie

 

Le 29ème congrès de l'Union Géographique Internationale s'est tenu à Séoul du 13 au 18 août 2000, précédé et suivi de diverses réunions de commissions et groupes de travail, ainsi que d'excursions en Corée du Sud, en Chine et au Japon. Il faut saluer la qualité de l'organisation matérielle de cette manifestation qui a réuni entre 1500 et 2000 géographes du monde entier au COEX, le tout nouveau Palais des rencontres internationales inauguré il y a quelques mois. Plus encore, l'intérêt scientifique de la rencontre doit être souligné. Le thème choisi par nos collègues coréens et par le Comité Exécutif de l'UGI, "Vivre dans la diversité", s'est révélé riche et propice à l'expression des différentes facettes de la géographie. Il a permis une réponse de notre discipline au discours dominant sur la mondialisation, trop souvent alarmiste et résigné à la fois. Le chef d'orchestre de la rencontre fut le Professeur YU Woo-Ik, de l'Université Nationale de Séoul. Nous tenons à le remercier pour son accueil et, en particulier, pour l'effort qui a été accompli, grâce à lui, pour que le français, langue officielle de l'UGI, soit effectivement utilisé, en particulier dans la rédaction des différentes circulaires et affiches. C'est également lui qui a tenu à ce que plusieurs géographes français soient invités à s'exprimer au cours des séances plénières.

La délégation française, d'environ 80 personnes, fut la plus importante d'Europe. Elle a pris en charge une quinzaine de communications, ce qui est, somme toute, assez peu. Profitons de l'occasion pour recommander une présence française plus active dans ce type de manifestation, y compris de jeunes collègues. Il est faux d'affirmer que les grands congrès ne servent à rien. Ils sont réellement l'occasion de confrontations d'idées et l'on ne peut pas se plaindre du laminage de certaines manières de pratiquer la recherche géographique, si l'on ne profite pas des tribunes mondiales qui sont largement ouvertes à qui le souhaite. De même en est-il de la langue française qui ne survivra pas à coups de protestations et d'affirmations de l'exception culturelle, mais de communications d'idées neuves. Il est très possible, encore une fois, de se faire comprendre en s'exprimant en français, à la condition de projeter un plan détaillé en anglais et de résumer oralement en anglais chaque point fort d'une communication. Par ailleurs, les rencontres amicales effectuées à l'occasion d'un tel congrès portent leurs fruits dans les mois et les années qui suivent.

Grâce à la collaboration de l'UMR PRODIG et à la présence active de Béatrice Vélard, le stand de la France, le plus important des stands nationaux, a permis de présenter les dernières publications des laboratoires et des universités. Le Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges était très présent sur le stand, grâce à de nombreuses photographies et éléments de décor. Nous savons tous à quel point il contribue au rayonnement international de la géographie française. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, son Président-Fondateur, Christian Pierret, présent au congrès de Séoul, a reçu pendant la cérémonie de clôture la grande médaille de l'UGI " Planète et Humanité ". Il a prononcé à cette occasion, principalement en français, une belle allocution reliant la géographie à la philosophie et à la politique. Le stand de la France et la publication de l'ouvrage " Vivre ensemble dans la diversité ", en collaboration avec l'APHG, doivent beaucoup à l'aide financière du Comité Français des Unions Scientifiques Internationales (COFUSI), qui dépend de l'Académie des Sciences. C'est également cet organisme qui règle la cotisation de la France à l'UGI. Qu'il en soit remercié.

Pour 66 membres de la délégation française, le congrès de Séoul a été précédé d'un tour de Corée, très réussi, qui a conduit le groupe de l'île de Cheju à Pusan, Ulsan, Kyongju, Haoe, Songnisan, Taejon. Grâce aux commentaires éclairés de Valérie Gelézeau, Maître de Conférences à l'Université de Marne-la-Vallée, et de Karine Grijol, Maître de Conférences à l'Université de Perpignan, toutes deux spécialistes de la Corée, un bon nombre de géographes français qui s'y rendaient pour la première fois, ont mieux compris l'un des pays d'Asie qui s'est le plus rapidement transformé depuis la Seconde Guerre Mondiale.

L'Union Géographique Internationale a renouvelé ses instances à l'occasion de son Assemblée Générale. La nouvelle présidente est Anne Buttimer, de Dublin. Le Secrétaire Général et Trésorier est Ron Abler, de Washington. Le premier Vice-Président est Adalberto Vallega, de Gênes, qui continue avec efficacité à représenter la France et l'Europe du sud au sein du Comité Exécutif.

Les prochains congrès régionaux de l'UGI auront lieu à Durban en 2002 et à Tel Aviv en 2006. Les prochaines assemblées générales auront lieu à Glasgow en 2004 et à Tunis en 2008.

Jean-Robert PITTE, Président du CNFG


Séoul, 18 Août 2000
REMISE DU PRIX "PLANÈTE et HUMANITÉ" à Christian PIERRET,
Président Fondateur du Festival International de Géographie de Saint Dié des Vosges

décerné par l'UNION GÉOGRAPHIQUE INTERNATIONALE

Intervention, à Séoul, de Christian PIERRET, Secrétaire d' État à l'Industrie, président fondateur du Festival International de Géographie.

 

"C'est un immense honneur de recevoir ce soir le prix "Planète et Humanité" décerné par l'Union Géographique Internationale. Je me retrouve ainsi en restreinte mais remarquable compagnie puisque vous n'aviez, jusqu'à présent, gratifié de cette distinction que deux personnalités : Madame BRUNDTLAND, ancien Premier Ministre de Norvège, et le Vice-Président des États-Unis, AL GORE. Cette géographie que nous dessinons désormais à trois n'est certes pas encore cardinale, mais elle est véritablement unique. Je vous remercie donc du fond du cœur de m'avoir accueilli dans ce cercle très fermé des "géographes politiques". J'en suis honoré, j'en suis touché.

Ma qualité de Ministre de la République Française n'explique sans doute pas, à elle seule, ce choix, même si les arbitrages que doit rendre le Ministre en charge de l'industrie sont évidemment déterminés par les paysages naturels et les paysages humains, les milieux, les ressources, les flux d'échanges, l'environnement. La Terre que décrit le géographe est aussi l'espace qui rend possible et borne à la fois le paysage politique.

Je sais qu'au travers de ce prix, vous avez aussi distinguer le Festival International de Géographie auquel Son Excellence l'Ambassadeur de Corée en France, Monsieur KWON In-hyuk, nous avait fait l'honneur l'an passé, de représenter votre pays. Depuis plus de dix ans en effet, la ville dont je suis l'élu, Saint-Dié-des-Vosges, organise ce rendez-vous que bon nombre d'entre vous connaissent. C'est toujours un moment de bonheur, d'apprentissage, de réflexion. Un moment unique. C'est également le fruit d'un travail collectif auquel je suis heureux d'associer, au travers de ce prix, tous ceux qui participent à son succès - certains sont parmi nous ce soir. Permettez moi d'ailleurs de vous convier à la prochaine édition du Festival International de Géographie, du 5 au 8 Octobre 2000, consacré au thème "Géographie et Santé" (*)


Mesdames et Messieurs,

 

Un éminent Universitaire m'a récemment écrit qu'à force de fréquenter des Géographes, je l'étais moi-même un peu devenu. Venant d'un homme de science à l'esprit affûté et vraisemblablement peu flagorneur, cette remarque m'a ravi. La géographie était pour moi un plaisir d'honnête homme, une passion... elle est, je le confesse, devenue un prolongement de mon action, l'une de ses composantes et de ses modalités d'expression.

À vrai dire, nul n'entre en politique s'il n'est, peu ou prou, géographe. SIEGFRIED, dont les catégories, certes, sont un peu vieillies, avait été saisi par cette juste vision. Les provinces, les régions, les départements, ont une âme. Le mélange de l'Homme avec le milieu, forme une subtile alchimie aux propriétés qui décrivent plus qu'un paysage. Ainsi, la science qui étudie la surface de la Terre, en tant qu'habitat de l'homme et des espèces vivantes, n'est jamais très éloignée de l'art du gouvernement. La diversité que l'homme politique a pour mission d'unir doit d'abord être identifiée et décrite par le géographe. Pourquoi tel type de culture, tel monument, telle ville, telle communauté, se trouvent-ils ici plutôt que là ? De telles questions sont souvent soulevées par le politique ; les réponses, tout ou partie, suggérées par le géographe.

Le philosophe n'est pas loin non plus d'avoir son mot à dire car, au cœur de la relation entre l'homme et son milieu, se nche l'épineux problème du déterminisme. La géographie, et c'est l'un de ses traits les plus remarquables, apporte une réponse particulière et innovante à cette grande problématique classique. Si, science assez leibnizienne au fond pour affirmer : "Nihil est sine ratione", elle sait décrire le réseau dense et complexe de l'interaction des phénomènes, elle ne prive par contre jamais l'homme de sa véritable nature: la Liberté. L'homme est inséré dans un milieu, localisé dans un espace : il n'en est jamais prisonnier. La géographie est ainsi un anti-déterminisme. Aussi est-elle une science profondément humaine et profondément moderne. Une science de l'humanité.

La géographie ne totalise pas, elle analyse. Elle n'isole pas, elle met en relations. Elle ne systématise pas, elle synthétise. Son esprit est résolument celui de notre époque, soucieux de connaissance sans idéologie et d'explication sans abstraction. À la croisée des disciplines, des chemins et des flux, elle est un effort constant pour expliquer la diversité sans, si j'ose dire, l'enfermer dans un carré magique ou la réduire à une catégorie univoque. Aussi n'est-il pas étonnant que votre savante assemblée ait choisi de concentrer sa réflexion sur ce thème. La géographie, science du monde en mouvement et science en mouvement, n'est-elle pas la plus apte à relater la diversité ?

En même temps, plus que tout autre, le géographe sait relâcher les liens avec ces causes contingentes que sont les entreprises et les destins d'hommes singuliers, les successions de régimes, les conquêtes ou les intrigues politiques, pour se mettre en rapport avec ce qui est le plus durable et contient leur raison éloignée. Je songe à l'emplacement des pays, aux productions, aux mœurs, à l'industrie, au commerce, à la population, à ces barrières ou à ces voies presque intangibles, immuables du moins à l'échelle de la vie d'un seul homme, que sont les mers, les océans, les montagnes ou les déserts. La géographie dessine ainsi le déploiement de l'humanité à travers le territoire de la nature. L'histoire, quant à elle, réinstalle cette dimension dans la succession. Aussi est-elle, comme l'a dit justement KANT une géographie continuelle.

Je ne sais comment vous apprécierez cette tentative, ou plutôt cette tentation ontologique, que je viens d'esquisser au sujet de votre discipline. J'ai voulu approcher ce qu'elle est en elle-même, apprivoiser son essence, circonscrire son périmètre certes très évolutif. Car la géographie diffuse à travers les autres disciplines, comme elle en est irriguée.

Mon propos n'a aucune prétention académique : il est plutôt celui, spontané, d'un praticien. Les territoires sont en effet l'espace naturel d'évolution et de jugement du politique, le nœud habituel des problèmes qu'il doit affronter. L'administration, et sa raison instrumentale, si bien dévoilée par WEBER, ont inventé pour cet exercice une science d'espèce: l'aménagement du territoire, Plan, DATAR... , il faudrait sans doute à ces organismes quelques géographes de plus. L'espace administratif gagnerait à s'humaniser.

D'autant plus que notre monde subit une série de redoutables paradoxes qui pourrait affoler la boussole de plus d'un explorateur. L'unité humaine se trouve en effet déséquilibrée en divers points d'ancrage et de fixation, de délibération et de décision, d'éxécution et d'action - local, national, global - , en même temps que se construit par dessus les têtes et les montagnes un espace continu et infini, celui de l'univers virtuel de la communication.

À bien des égards, cet éparpillement nouveau, ce mélange accentué de la diversité et de ses richesses, renforcent la mission des géographes. Lorsqu'il s'agit quotidiennement de répondre à des questions comme: "à quelle échelle créer telle institution, où arrêter les frontières de telle organisation, comment relier tels niveaux de décision ?", la géographie, si elle ne saurait être l'ultime pierre de touche de la décision politique, se révèle un remarquable schéma de compréhension et d'orientation.

Les pionniers de la géographie étaient des explorateurs, des découvreurs, des défricheurs. Si aujourd'hui, l'homme a fait plus d'une fois le tour entier de la planète, il n'a pas encore achevé de la défricher et de 'vivre dans sa diversité". Cette diversité est une richesse, un patrimoine, une valeur. Pour la comprendre, il faut la connaître et la reconnaître. La géographie nous le permet. Aussi sa mission, au XXIème siècle, est-elle absolument actuelle."

 

(*) Note du webmaster: MARI TRANSVE, MARE HOMINIBUS, SEMPER PRODESSE. Cette devise des Médecins de Marine implique, à l'évidence, une présence renforcée de la Marine Nationale Française, par son Service de Santé, à ce XIème FIG sur un thème tel que "Géographie et Santé"....

Version web, IX/2000. 

 

  

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