ARROW HEAD, LA DERNIÈRE IMPORTANTE BATAILLE DE CORÉE
1952, était l'année du Dragon.
Le Bataillon Français avait passé une partie de l'été au "T Bone" et, en septembre, - je ne me souviens pas exactement où - on nous fit creuser des tranchées pour nous divertir... Des postes de radio, diffusaient des nouvelles pour ceux qui comprenaient l'anglais et des chansons pour lesquelles l'anglais était moins important. Tous les soldats de Corée, quelle que soit leur nationalité, entendirent à cette époque la voix délicieuse de Doris Day chantant sur l'antenne. C'est plus tard, je crois, qu'elle interpréta ce qui reste sans doute son plus grand succès : "Que sera sera"
- '"Que sera sera
- Whatever will be will be
- The future' s not ours to see
- Que sera sera"
Il ne nous appartient pas de connaître l'avenir. Et pourtant nous aurions aimé le savoir même si beaucoup d'entre nous eussent préféré ne pas entendre dire qu'ils ne rentreraient jamais dans leur pays.
On nous annonça un soir que, le lendemain, nous devions monter en ligne. Selon les services de renseignement US une offensive se préparait au Nord de Chorwon. Les Chinois avaient l'intention de s'engouffrer dans la plaine et prendre Séoul. Rien que cela! A nouveau avec pelles et pioches nous nous installâmes à "Harrow Head".
Dès le 5 octobre l'artillerie chinoise bombarda notre position. Elle règlait ses tirs.
Le six octobre au soir un orage d'acier tomba sur nos têtes. L'artillerie chinoise tirait sans interruption sur nos positions et sur celles de la Division ROK (NDLR: Republic Of Korea) qui était à notre droite. Nous apprendrons plus tard par le Quartier Général américain que ce bombardement fut le plus violent de toute la guerre de Corée. Il dura plus de dix heures le premier jour et continua plusieurs jours de suite.
Les blessés et les morts étaient en grand nombre dès les premières heures de la bataille. La Section des pionniers fut anéantie par les bombardements et par la horde de Chinois qui avait submergé leur poste avancé.
Sur notre droite c'était le même scenario. Le poste avancé des ROK, écrasé par I'artillerie chinoise, fut enlevé par I'offensive. Craignant une rupture de front, tous les soirs nous nous replierons en appui fermé. Nos tranchées étaient en partie comblées par les éboulements et certains de nos abris avaient été pulvérisés.
Dès le lendemain l'aviation US intervenait et bombardait les positions chinoises tandis que la nuit des avions survolaient le champ de bataille et larguaient des éclairants pour illuminer le terrain. La nuit était comme le jour. Ainsi nous pouvions découvrir le champ de bataille. L'artillerie US établit un tir de barrage: 6000 obus à l'heure.
Tant de morts et de blessés laissaient un grand vide dans l'esprit des survivants mais aussi sur la ligne de front et il fallait le combler! Le personnel administratif du Bataillon fut envoyé en ligne mais ça ne suffisait pas. Le 23e Régiment US qui était à notre gauche envoya une Compagnie de renfort pour nous aider à tenir la position. Français et Américains étaient maintenant côte à côte.
Sur notre droite la Division ROK tentait chaque jour de reprendre son poste avancé. Les combats qui se déroulaient sous nos yeux étaient d'une violence inouïe. Ils y parvenaient le 4e jour à un contre cinq.
La bataille durera une semaine et, le 10 octobre, nous savions que les Chinois avaient perdu la partie. Ils ne passèrent pas.
Avant d'être évacués les blessés chinois nous réclamèrent de la nourriture et des cigarettes!
Puis, le temps changea brutalement, il faisait très froid. Devant nos positions les cadavres chinois étaient congelés. Je les rencontrais à chaque patrouille de nuit jusqu'à l'ancienne position des pionniers où des débris humains jonchaient le flanc du piton.
Entre nos positions et celles des Chinois c'est maintenant le no man's land. Il ne reste que les traces d'une lutte féroce dont le souvenir ne s'éteindra jamais dans la mémoire de tous ceux qui étaient à Harrow Head durant la dernière bataille importante de la Guerre de Corée. Je repense souvent à nos camarades qui se sont sacrifiés pour que nous l'emportions.
1953, était l'année du Serpent , et en juillet, après d'autres combats sur d'autres positions, je quittai la Corée. Dix jours plus tard, l'armistice était signé.
Robert BREUIL rjbreuil@yahoo.fr
La Côte 281 surnommée le "Fer de Lance" ou "ARROWHEAD" au nord-ouest de CHORWON Vue sur Arrowhead et White Horse Ridge (DR)
WHITE HORSE (à l'Est) est tenu par le IXème R.O.K separé de ARROWHEAD (à l'Ouest) par une colline et la boucle du YOKKOK CHON. Du 6-8 octobre 1952, Les pionniers en poste sur BIG DAGMAR (au Nord) et la première Compagnie sur ARROWHEAD, résistent aux assauts du 337ème Régiment Chinois, malgré de sérieux bombardements préparatifs de la Côte 281. WHITE HORSE fut en prise avec des éléments de 2 divisions Communistes.
Malgré l'ordre donné de ne pas porter "main forte" au IXème R.O.K., l'initiative de la deuxième Compagnie sur la colline, permit de justesse de conserver WHITE HORSE. Les combats dureront jusqu'au 10 octobre. Au total cette tentative coûta aux envahisseurs plus de 1500 hommes.
Léon ROCHOTTE FRANCE-CORÉE 11/2004