DOSSIER (Léon C. Rochotte)

Koryo

Korea

La Corée

Le Pays du Matin Calme


Avec l'aimable permission de "Défense", revue de l'Union des Associations d'auditeurs de
l'INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALE et des Auteurs.
Remerciements particuliers à Andrée Martin-Pannetier, Professeur Université Paris I (Panthéon Sorbonne) auditeur IHEDN, 28 ème session nationale
et à Son Excellence M. Kwon In-yuk,
précédent Ambassadeur de la République de Corée à Paris
 

La "République de Corée"

Dossier préparé et présenté par Andrée Martin - Pannetier, Universitaire
Présidente de l'Institut du Pacifique

 

Animée par une prodigieuse énergie, l'Asie est en train de connaître une nouvelle phase de développement après avoir connu des moments difficiles. Quant à elle, la république de Corée effectue un retour spectaculaire de croissance avec une augmentation de 4,6% de son produit intérieur brut au cours des trois premiers mois de l'année 1999. C'est un chiffre qui a été jugé remarquable par le Directeur Général du F.M.I. On prévoit en l'an 2000 plus de 6,4%; la production industrielle ne cesse de progresser.

L'industrie coréenne dispose d'un capital technologique digne des plus grands pays industrialisés, de la sidérurgie à la construction navale et automobile, ainsi que l'informatique, l'électronique, la robotique. Le secteur des services commence à connaître une très importante extension. Les atouts sont donc nombreux, même si les difficultés ne manquent pas.

Alors optimisme, pessimisme, nous allons nous poser des questions. Il était temps pour nous de mieux connaître ce pays dynamique, volontaire, résolument orienté vers l'avenir, animé par une population de gens chaleureux, acueillants, ouverts.

La Corée a déjoué les pronostics défaitistes. Onzième puissance économique mondiale, elle a déjà une place sur la scène internationale qui sera plus importante encore dans les années à venir. Des spécialistes éminents vont vous faire mieux découvrir cette péninsule Coréenne de près de 225 000 km2 qui s'étend sur 1 000 kilomètres du Nord au Sud, dans le Nord-Est du continent asiatique et dont le début de l'histoire remonte à 2333 avant Jésus Christ.


A.M-P , 12/1999

Liste des articles :

      - Avant propos : par M. Jean-Bernard Ouvrieu, ministre plénipotentiaire ,
       - La Corée d'aujourd'hui : par S.E. Kwon In-yuk, Ambassadeur de Corée ,
      - La Corée méconnue : par le Professeur Li Jin-mieung, université Lyon III ,
      - Contre-coups de la crise en Corée : par le colonel (ER) Jacques Vernet ,
      - Les deux États coréens vus de Pékin : par le général (CR) Henri Eyraud ,
      - Les relations Corée - Japon : par M. René Servoise, diplomate ,
      - La crise diplomatico-militaire États-Unis Corée du Nord : par M. Loïc Frouart chef de bataillon ,
      - Questions coréennes, vues d'Europe : par M. F.F. Hadeux

 


Avant - propos

par M. Jean-Bernard Ouvrieu, ministre plénipotentiaire,
représentant personnel du ministre de la Défense,
ancien ambassadeur de France en Corée et au Japon.

Une guerre des plus dévastatrices, une réussite économique exceptionnelle de plus de trente ans, le maintien de la division Nord-Sud, font de la République de Corée un pays singulier. C'est ce que pense l'auteur qui a été ambassadeur de France à Séoul de 1985 à 1987.

 

Tout le monde connaît l'histoire récente de la Corée. Pour ma part, je pense que le maintien de la division de cette péninsule, qui reste (avec une intensité certes amoindrie, mais persistante) l'un des flash-points de ce monde, est un héritage de la guerre (elle-même projection du conflit Est-Ouest) a tout ordonné en Corée du Sud : la diplomatie, la vie publique interne, la vie économique...

La diplomatie, parce qu'il convenait d'éviter que la division du monde en deux camps n'alimente la tension intercoréenne qui avait dégénéré en guerre en 1950 - 1953. La diplomatie de Séoul, à l'époque, s'est fondée sur une alliance, toujours valable et toujours aussi importante, avec les États-Unis, et a su en jouer pour maintenir la stabilité de l'ensemble de la péninsule.

La vie intérieure, parce que se révèlent parfois des contradictions créatrices de tensions entre d'un côté l'évolution démocratique menée par la Corée du Sud et de l'autre la perception du risque qui pèse sur la partie méridionale de la péninsule que peuvent avoir les autorités de Séoul.

L'économie, parce que la stimulation provoquée par la division de la péninsule en deux États a poussé les Coréens du Sud à plus d'efforts et, bien au-delà de la seule survie de l'après-guerre, les a conduits à construire, en quarante ans, la onzième puissance économique du monde, grâce à un prodigieux effort personnel, à une politique volontariste d'enseignement généralisé, au rôle singulier et particulier de l'État.

Cette division reste aujourd'hui un élément clef de toute évolution, même si elle pèse moins qu'elle n'a pesé il y a encore peu de temps. Ceci est essentiellement dû à la fluidité croissante des relations internationales, depuis la chute du mur de Berlin et de la fin de la division du monde en deux pôles. Cette fluidité a permis à la Corée du Sud de se trouver des marges de manœuvre diplomatiques dont elle ne disposait pas précédemment. Elle a aussi abordé la relation avec la Corée du Nord, dans un autre esprit, que l'on appelle la sunshine policy marqué par un esprit d'ouverture. Cette politique aurait pu commencer plus tôt, mais le précédent président n'a pas été aidé par l'accélération de la crise économique sud-coréenne et par les velléités de la Corée du Nord à se doter de missiles et à développer un programme nucléaire dans des conditions qui n'ont pas manqué de susciter des inquiétudes dans une partie de la communauté internationale.

On peut maintenant s'interroger sur la réalité des risques entre les deux Corée et sur les perspectives de la réunification, qui m'ont toujours parues d'autant plus lointaines qu'on les évoquait tous les jours. Certes, la réunification à terme fait l'objet d'un consensus mais celle-ci n'est elle pas plus difficile aujourd'hui qu'il y encore quelques années, au fur et à mesure que se creusent les écarts entre les deux parties de la péninsule ?

Ce problème est majeur dans une région d'Asie du Nord qui, certes, est aujourd'hui relativerment stable et présente apparemment moins de risques dans le contexte actuel de fluidité internationale.

En tout cas, les relations entre la Corée et la Chine vont dans le bon sens, ce que j'avais déjà pu constater il y a quinze ans, lorsque les premiers hommes d'affaires coréens se rendaient en Chine pour essayer de nouer des coopérations industrielles ; les choses se sont beaucoup développées depuis avec le décollage économique de la Chine. La Corée a intérêt à construire cette relation avec la Chine, ce qui est plus aisé aujourd'hui que par le passé. Elle a auusi raison d'essayer d'améliorer ses relations avec le Japon et d'essayer d'effacer le souvenir des guerres d'occupation et de colonisation qui pèsent encore très lourd dans la psychologie collective coréenne : c'est un bel effort de la Corée que d'essayer de trouver avec le Japon une relation plus nourrie, plus stable, moins marquée par une psychologie enracinée dans le passé.

Dans le même temps, il faut constater que la Corée du Sud élargit son champ d'intervention, son "être international", si j'ose dire. Elle joue l'internationalisation et la mondialisation de l'économie, avec certes des doutes, qui expliquent par exemple la crise économique que le pays vient de connaître, malgré sa volonté de réussir et ses atouts significatifs. C'est d'abord pour la Corée que l'on a inventé le qualificatif de "Tigre Asiatique". Le premier Tigre, c'est bien la Corée. La onzième puissance économique, c'est la Corée. Mais il se trouve que le modèle de développement coréen a probablement souffert et montré qu'il fallait changer de régistre.

Après un an et demi de difficultés, la Corée est probablement en train d'enregistrer ses premiers succès. Son ajustement continuera-t-il sur cette tendance ? En tout cas, la Corée a fait un effort majeur : effort qui n'est pas arrivé à son terme de recapitalisation et de restructuration de son système bancaire ; effort bien difficile aussi de remise en ordre de ses grands ensembles industriels, les chaebols. La Corée nous paraît sur une trajectoire nouvelle ; acceptons-en l'augure. Mais constatons aussi que rien n'est joué et qu'une question reste ouverte : la crise asiatique -et notamment coréenne- s'étant caractèrisée par une surproduction dans tous les secteurs développés par la Corée, qu'en sera-t-il demain dans un contexte croissant de mondialisation ? Qu'en sera-t-il, en d'autres termes, de l'équilibre à terme, notamment avec d'autres producteurs de nos zones par exemple ? Les problèmes de surproduction, qui sont quasi inhérents au type de développement qui avait été utilisé, continueront-ils ou s'assagiront-ils ? Quid de l'ajustement ? Et qu'en sera-t-il des problèmes sociaux ?

Le troisième volet à traiter est celui de la politique intérieure. Il n'y a aucun doute pour moi que sur le long terme, la Corée confirmera les choix démocratiques qu'elle a mis progressivement en place. Le chemin va dans ce sens. Aujourd'hui, qu'en est-il de la démocratisation de la Corée du Sud ? Pour la première fois peut-être, elle a trouvé à s'incarner dans un nom qui, dans nos pays, est consubstantiel à l'idée même de démocratisation : Kim Dae-jung. C'est un grand opposant, mais un homme qui a une vision humaniste, libérale des choses. Il est vrai qu'avec le charisme qui est le sien il peut consolider et confirmer une évolution non négligeable vers une certaine forme de démocratisation de la Corée.

En tout état de cause, cette zone d'Asie du Nord est d'une grande sensibilité statégique, et elle a trouvé une forme de stabilité et d'équilibre pacifiques fragile certes, mais réels. Le principal problème on le voit donc, reste (aujourd'hui comme hier) celui de la division de la péninsule dont on ne discerne pas encore comment et selon quelle modalité elle évoluera vers une forme de relation différente...

Liste des articles

 

 

La Corée d'aujourd'hui

par S.E. Kwon In-Hyuk, ambassadeur de la République de Corée en France,

La jeune république de Corée est née à la fin de la Seconde Guerre mondiale, après avoir subi la colonisation japonaise pendant trente cinq ans (1910 - 1945). À peine cinq ans après l'indépendance, la guerre fratricide fut déclenchée par le régime du Nord ; la péninsule coréenne se divisa brutalement entre le Nord et le Sud et cette fracture persiste depuis plus d'un demi-siècle. 

Au cours des dernières décennies, le peuple coréen a été confronté à deux défis majeurs, outre l'aspiration à la réunification pacifique des deux Corée : le développement économique, d'une part et l'épanouissement de la démocratie, d'autre part. Aujourd'hui, la Corée se trouve parmi les quinze plus grandes puissances économiques du monde. Il aura fallu une trentaine d'années à la Corée pour sortir de son état de pauvreté absolue et se placer comme deuxième pays membre asiatique de l'OCDE. Sur le plan politique, en surmontant les décennies de difficulté grâce à l'aspiration du peuple coréen à la liberté et au respect des Droits de l'Homme, la Corée voit l'épanouissement de la démocratie au seuil du troisième millénaire.

LE DÉFI DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

Or, malgré le progrès de la démocratisation politique observé au cours des années 90, couronné par les élections démocratiques des présidents de la République, l'année dernière a coïncidé avec la crise économique et financière inouïe qui a ébranlé les progrès remarquables obtenus au cours de plusieurs décennies. Le nouveau gouvernement a résolument relevé les défis et, pour aboutir à la situation encourageante d'aujourd'hui, il a fondé sa politique de réforme sur le respect de sa philosophie politique, à savoir la démocratie et l'économie de marché, en adoptant les quatre principes suivants :

* dans le secteur public, la réduction des effectifs de la fonction publique rendant le gouvernement plus efficace et économe ;
* au niveau des institutions financières, la fermeture des banques défaillantes et le renforcement de ligne de crédit par le moyen 
   de la hausse de solvabilité ;
* concernant les grandes entreprises, la restructuration des Chaebols (grands conglomérats) et l'harmonisation des relations tripartites 
  (entre le Gouvernement, les chefs d'entreprises et les travailleurs représentés par les syndicats) afin d'amorcer un vrai dialogue social ;
* enfin l'établissement de la souplesse du marché du travail.

Après bientôt deux ans au pouvoir, le gouvernement de Kim Dae-jung peut dresser un bilan positif en restant vigilant à la restructuration des grandes entreprises (Chaebols). Certes la tâche est ambitieuse et difficile, mais c'est grâce à la poursuite rigoureuse de ces quatre principes primordiaux reflétant ses convictions personnelles, que le président Kim a réussi à rectifier les erreurs commises dans le passé, en particulier le manque de consistance de la politique vis-à-vis de la Corée du Nord et de l'économie, et à réaliser une réforme profonde et complète.

 

LA SITUATION DE LA PÉNINSULE CORÉENNE ET LES RELATIONS INTER-CORÉENNES

La stabilité et la paix de la péninsule Coréenne sont d'autant plus importantes que cette partie du monde est la charnière entre la Russie, la Chine et le Japon et que la prospérité de l'ensemble de la région du Nord-Est de l'Asie serait affectée dans le cas où l'instabilité règnerait sur la péninsule coréenne.

Sur le plan intérieur la réforme de la Corée du Nord est d'autant plus nécessaire et urgente que le peuple nord-coréen souffre de l'oppression structurelle, de la violation des droits de l'homme et de la famine.

La politique d'engagement vis à vis de la Corée du Nord que poursuit le nouveau gouvernement adopte trois principes :

* empêcher la provocation militaire de la Corée du Nord ;
* rejeter l'idée d'absoption ou d'annexion de la Corée du Nord par le Sud ;
* mettre en œuvre la coexistence pacifique des deux Corée.

Cette politique d'engagement de la Corée du Sud vers la Corée du Nord est une immense et difficile tâche. Récemment, quelques différends avec la Corée du Nord ont surgi : incursion de bateaux de guerre nord-coréens dans les eaux territoriales de la mer Jaune, prévision d'un deuxième tir d'essai de missiles à longue portée. Pour le moment, l'éventuailité du deuxième tir d'essai de missiles nord-coréens est écartée à la suite des pourparlers américano-nord coréens de Berlin qui se sont déroulés en septembre dernier. Cette nouvelle apporte une source d'encouragement au gouvernement sud-coréen pour poursuivre sa politique d'engagement vis à vis de la Corée du Nord car il n'a de cesse de poursuivre sa politique de coopération et de dialogue afin d'accomplir la coexistence pacifique des deux Corée en attendant l'ultime réunification de la patrie.

Une consultation étroite avec les États-Unis, le Japon et la Chine est mise en œuvre dans cette politique d'engagement qui reçoit aussi l'aval de nos voisins du Nord-Est de l'Asie et de la communauté internationale, y compris la France. La Corée du Sud leur est très reconnaissante de leur compréhension et de leur soutien. Il reste à souhaiter que la Corée du Nord réagisse à notre désir de coopération pacifique par des signes de bonne volonté et se comporte comme un membre responsable de la communauté internationale.

 

POLITIQUE DE RÉFORME SOCIO-ÉCONOMIQUE ET BILAN DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Face à la crise économique et financière qui a mis en danger le développement économique accompli au cours des dernières décennies, le nouveau gouvernement s'est fixé, dès le début de son mandat, de nouveaux objectifs économiques prioritaires misant sur l'effort général pour l'établissement d'une nouvelle Corée. Cette nouvelle politique ayant pour but de relancer l'économie et de surmonter la crise, se propose de favoriser les initiatives et la créativité individuelle des entrepreneurs, ainsi que d'allèger la planification et l'interventionnisme étatiques contraignants, caractèristiques du passé, et de regagner la confiance des investisseurs étrangers et de la communauté internationale.

Au bout d'un an et demi, les efforts et la persévérance du peuple coréen d'une part, et la politique de réforme engagée par le gouvernement coréen, d'autre part, ont enfin permis à la république de Corée de surmonter la crise économique et financière survenue à la fin de l'année 1997. On peut maintenant constater une hausse de confiance des investisseurs et des gouvernements étrangers dont la France.

 Pour surmonter cette crise, le nouveau gouvernement a été obligé d'effectuer la réforme du secteur public et du marché du travail. Certes, la tâche était pénible et de taille, mais pour l'ultime succès de cette réforme, le gouvernement n'a ménagé aucun effort pour la gestion efficace de l'administration et la restructuration du secteur de l'emploi.

Dans la même période, le gouvernement a pris des initiatives en vue d'améliorer les conditions de travail et le bien-être des travailleurs. Il a cherché à encourager le dialogue tripartite entre l'État, les chefs d'entreprises et les syndicats, tout en ayant à faire face au problème de l'accroissement du chômage et en prenant des mesures concernant la Sécurité Sociale.

 Les réformes économiques entreprises par la Corée s'appuient sur le principe de l'économie de marché, afin de retrouver une compétivité globale. Face à la mondialisation et grâce à ces réformes, l'économie coréenne a retrouvé la confiance aussi bien sur le plan intérieur qu'international. Le gouvernement coréen poursuivra la politique d'ouverture d'ouverture et le principe du marché pour relever les défis et surmonter la compétition. Cette orientation et la détermination du gouvernement coréen ont été confirmé encore récemment lors du démantelement du groupe Daewoo.

Cette épreuve de la crise a été une expérience douloureuse mais les constatations suivantes que l'on peut faire sont encourageantes : la volonté politique du gouvernement en faveur de la réforme, la prise de conscience et le sacrifice du peuple coréen, bien entendu, mais aussi la solidarité et la confiance de la communauté internationale.

À propos de la promotion des droits de l'homme en Corée, le Président Kim Dae-Jung a déjà obtenu des avancées significatives dans ce domaine. Grâce à l'amélioration de la situation intérieure des droits de l'homme et au courage du peuple coréen, la Corée a pu participer activement aux efforts de la communauté internationale pour combattre les cas de violation des droits de l'homme.

 

HISTOIRE ET CULTURE

La culture coréenne s'enracine dans plus de cinq millénaires d'histoire mouvementée. Les Coréens forment une famille ethnique homogène, distincte des Chinois et des Japonais, descendant de plusieurs tribus qui auraient émigré de l'Asie centrale vers la péninsule.

La Corée fut unifiée au VIIe siècle de notre ère pour la première fois, grâce à l'unification de trois anciens royaumes par le Royaume de Shilla. Il fut suivi du Royaume de Koryo, du Xe au XIVe siècle, qui est à l'origine du nom actuel de la Corée. Ce royaume fut remplacé par la dynastie Choson jusqu'en 1910, date de l'annexion de la Corée par le Japon, jusqu'à la libération en 1945, aussitôt suivie de la partition Corée du Sud/Corée du Nord toujours existante.

Le Peuple coréen s'est battu pendant des millénaires pour affirmer son indentité face à de puissants voisins (Chine, Japon). La loangue coréenne appartient aux langues ouralo-altaïques d'Asie Centrale, parmi lesquelles on compte également le turc, le hongrois, le finnois, le mongol, le tibétain et le japonais. L'alphabeth coréen, hangul, l'un des plus simples au monde, fut créé au XVe siècle pour remplacer l'usage des caractères chinois.

Du point de vue religieux, les Coréens sont fidèles à de nombreuses traditions populaires exprimées dans le chamanisme et rythmées par le calendrier lunaire (nouvel an, fête des moissons et autres évènements liés à la vie agraire). D'autre part, ils pratiquent le boudhisme introduit par l'intermédiare de la Chine, puis les religions chrétiennes nouvellement diffusées par les missionnaires occidentaux (catholiques et protestants).

Dans le domaine artistique, il existe d'innombrables témoignages de l'art traditionnel coréen. Parmi ceux-ci, on ne doit pas manquer l'un des plus beaux monuments sculptés boudhiques : le Boudha de la grotte de Sokkuram, classé héritage mondial par l'Unesco, de même que le mausolée royal de la dynastie Choson à Séoul (Chongmyo) et les planches de bois du Tripitaka Koreana; ces planches gravées en hangul (alphabeth coréen) relatent l'histoire du peuple coréen. Le domaine de prédilection de l'art coréen demeure la céramique, les vases de céladon étant connus de par le monde pour leur finesse et leur raffinement.

 

PERSPECTIVES DES RELATIONS FRANCO-CORÉENNES

Depuis la proclamation de l'indépendance de la république de Corée en 1945, les relations bilatérales entre nos deux pays ont été renforcées dans de nombreux domaines et notamment dans les secteurs politique, économique, social et culturel.

Le peuple coréen se souvient toujours du dévouement et du sacrifice des troupes françaises qui avaient rejoint les forces de la communauté internationale sous la bannière des Nations Unies pour rendre aux Sud-Coréens leur liberté face à l'invasion de la Corée du Nord, lors de la guerre de Corée (1950-1953).

Actuellement, nos gouvernements préparent l'échange de visites de nos chefs d'État respectifs. Il est prévu que le président Kim Dae-jung fasse une visite d'État en France en début d'année 2000. Quant au président Jacques Chirac, il envisage également de rendre une visite d'État en Corée tout en participant, en tant que président de l'Union européenne, au troisième sommet de l'ASEM (Asia-Europe Meeting) qui se tiendra à Séoul en Octobre 2000.

Au niveau de la coopération au sein des forums internationaux, nous entretenons des relations très étroite, que ce soit aux Nations Unies ou au sein d'organisations internationales et forums régionaux tels que l'ASEM. La décision de la Corée de tenir à Séoul la rencontre de l'ASEM au deuxième semestre de l'an 2000, ce qui coïncide par la même occasion avec la période de présidence française de l'Union européenne, illustre parfaitement l'esprit qui nous lie. Concernant les troubles du Timor oriental qui ont fait la une de l'actualité, les troupes coréennes, comme les troupes françaises, œuvrent côte à côte dans la coopération internationale pour restaurer l'État de droit, l'ordre et la sécurité et pour sauvegarder la paix.

D'autre part, la Corée a été choisie pour coorganiser avec le Japon la coupe du monde de football de la FIFA qui aura lieu en 2002. Dans cette perspective, les Coréens ont suivi de près les activités du comité français d'organisation de la coupe du monde de football 1998 en vue de partager avec leurs homologues les clés du succès et les mesures de sécurité à prendre lors de cet évènement. Ainsi, nous serons prêts à vous accueillir à Séoul, pour la dix-septième coupe du monde, au deuxième trimestre 2002.

Les relations politiques fructueuses établies entre la République de Corée et la République Française laissent espèrer la revitalisation des activités économiques entre les deux pays et l'élargissement des champs de coopération dans de nombreux domaines.

Sur le plan économique, on peut constater que les relations économiques entre les deux pays ont été fructueuses ces dernières décennies. La valeur totale des échanges a presque quadruplé passant de 758 à 2712 millions de dollars entre 1985 et 1998. Les investissements directs des capitaux français en Corée ont augmenté et ses sont diversifiés dans les secteurs financier, industriel, distribution, etc. La France est aussi un des plus grands fournisseurs en Corée dans le domaine de l'aérospatial et de la construction, comme par exemple pour le chantier d'installation du TGV. Même pendant la crise économique asiatique, les grands manufacturiers français tels que Saint-Gobain, Valéo et Lafarge ont continué à élargir leur présence en Corée. L'investissement coréen le plus important en France a été réalisé par Daewoo dans le secteur de l'électronique.

Pourtant, malgré ces relations suivies, force est de constater que ce n'est par suffisant, compte tenu du potentiel de nos économies respectives. Le contexte est plus que jamais favorable à une coopération élargie entre nos deux pays. Tous ces éléments permettent d'envisager sous les meilleurs auspices l'avenir des relations franco-coréennes.

Liste des articles

 

La Corée méconnue

par Li Jin-Mieung, Maître de conférences à l'université Lyon III 

"Il ya bien peu de temps encore, le nom de la Corée n'éveillait dans l'esprit des Occidentaux, mis à part de rares spécialistes, qu'une idée très vague, celle d'un petit pays, d'une presqu'île perdue à l'extrémité de l'Extrême-Orient et dont on ne savait guère qu'une chose, c'est qu'on en ignorait presque tout ..."
Maurice Courant

 

"Les évènements de ces derniers mois (1894) ont attiré vers ce côté du globe l'attention de l'Europe ; on a appris que cette péninsule était la cause , sinon le prétexte, en même temps que l'enjeu, d'une grande guerre (sino-japonaise en 1894-1895) entre deus États (la Chine et le Japon) d'étendue fort inégale, mais importants tous deux, quoique de manière très différente ; on a entendu des noms de batailles, de villes prises, mais du peuple, qui est le premier objet de la querelle, on n'en sait guère plus qu'auparavant..." C'est une constatation faite en 1894 par Maurice Courant (1865 - 1935), précurseur des études coréennes en France et en Europe.

Cent ans après, la Corée que Courant aimait et étudiait tant est devenue une des quinze plus grandes puissances économiques du monde en termes de PNB. Sortie de l'état de pauvreté absolue pour se hisser au rang des pays industriels en une trentaine d'année, la Corée du Sud est aujourd'hui le deuxième pays membre asiatique de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), "club des pays riches". Pays organisateur des XXIVe Jeux Olympiques de Séoul en 1988, puis pays co-organisateur, avec le Japon, de la Coupe du Monde de football en 2002, les Coréens doivent en être très fiers. Mais pour autant la Corée est-elle connue à sa juste valeur par les Français et par les Occidentaux en général ? Pas vraiment. Dans les esprits des Occidentaux, l'Extrême-Orient s'arrête à la Chine, au Japon ou au Tibet. Sur la Corée, on n'a qu'une vague idée de la division, issue des souvenirs de la guerre de Corée ou des accrochages entre le Sud et le Nord qui surviennent fréquemment autour de la ligne de démarcation.

L'image de la Corée chez les Français est confuse. Alors, comment la Corée a-t-elle été présentée au public français à travers le temps, et quelles étaient les relations entre la Corée et la France ?

 

LES COMPTES RENDUS DE NAVIGATEURS

Le premier livre qui fit connaître la Corée en Europe, de manière concrète et en détail, est la relation du naufrage d'un vaisseau hollandais sur la côte de l'île de Quelpaert (Cheju) avec la description du Royaume de Corée par le Hollandais Hendrik Hamel. L'ouvrage publié à Amsterdam en 1668 fut traduit en français, en un petit volume, en 1670. (Il a été réédité en 1985 avec introduction, notes et postface de Frédéric Max.) Parti de Java vers Nagasaki au Japon, le vaisseau de Hamel et de ses compagnons fit naufrage sur la côte de l'île de Cheju en 1653. Ils passèrent treize ans en Corée, jusqu'en 1666. Les informations données par Hamel sont fondées sur ses expériences vécues et son ouvrage fut la seule source sur la Corée jusqu'au milieu du XIXe siècle, faisant fiel et miel des auteurs d'ouvrages de voyage imaginaire au XVIIIe siècle.

Le grand explorateur français Jean-François Galaup de Lapérouse à bord de la Boussole et de l'Astrolabe fut le premier Occidental à être passé tout près des côtes orientales de la Corée, et découvrit l'île coréenne d'Ullûng dans la mer de l'Est le 27 mai 1787, et la nomma Dagelet du nom de l'astronome qui l'avait découverte (Voyage de Lapérouse autour du monde, 1785 - 1788, publié en 1797). Un demi-siècle plus tard, le 27 janvier 1849 la navire baleinier français le Liancourt, en provenance du Havre découvrit les îlots Tokdo (37° 14' 22" N - 131° 52' 30" E) situés en mer de l'Est. Ces îlots appartenant à la Corée, portent encore aujourd'hui le nom de "rochers Liancourt" sur certaines cartes occidentales.

 

L'INTERVENTION DE LA FRANCE

En 1831, le Vatican confia l'évangélisation de la Corée à la Société des Missions Étrangères de Paris basée rue du Bac. De ce fait, après le Hollandais, les premiers Occidentaux qui mirent les pieds sur la terre coréenne dès 1836 furent trois missionnaires français de la Société des missions étrangères. Le catholicisme ayant été considéré comme une science hérétique aux valeurs confucéennes, il fut réprimé. Les trois premiers missionnaires furent martyrisés en 1839. La persécution continua et atteignit son paroxysme en février et mars 1866, avec le martyr de neuf missionnaires français sur douze qui se trouvaient en Corée, ainsi que celui de milliers de fidèles coréens.

C'est alors que le représentant de la France en Chine, Henri de Bellonnet, et le commandant de l'escadre en Extrême-Orient, le contre-amiral Roze, décidèrent une expédition armée pour "punir" le gouvernement de Séoul. Après une exploration du fleuve Han jusqu'à la hauteur de Séoul en septembre 1866, les troupes françaises de 930 hommes, sous le commandement de l'amiral Roze, repartirent de Cheefu (Chine), arrivèrent à l'île de Kanghwa (Corée) le 14 octobre et occupèrent l'île pendant un mois. Elles furent repoussées par l'armée coréenne commandée par le général Yang Hôn-su lors de la bataille du mont Jôngjok le 9 novembre. La marine française détruisit les bâtiments officiels, une bibliothèque royale et les dépôts d'armes dans la ville de Kanghwa, et quitta l'île le 11 novembre, emportant un butin assez important.

Les officiers qui firent partie de l'expédition publièrent leur récits : croquis de Henri Zuber dans l'Illustration (1867) et ses impressions sur la vie des habitants de l'île dans Le Tour du Monde (1873), et le récit détaillé sur l'expédition par Henri Jouan dans le Bulletin de la Société Impériale des Sciences Naturelles de Cherbourg (1867).

Mais l'ouvrage le plus remarquable sur la Corée jamais écrit en langue occidentale depuis le livre de Hamel est sûrement l' Histoire de l'Église de Corée par Charles Dallet. Il fut publié en 1874 en deux volumes qui ne comptent pas moins de 1200 pages chacun. Dans l'introduction de ce livre, l'auteur présente l'histoire, la société, l'institution politique, la langue et l'écriture, la littérature, les mœurs et coutumes de la Corée. C'est aussi une œuvre fondamentale pour l'histoire du catholicisme en Corée.

 

L'OUVERTURE AU MONDE

Enfin, la Corée hermétiquement fermée au monde extérieur s'ouvrit en 1876, en signant son premier traité d'amitié et de commerce avec le Japon. Le Japon servit d'exemple à d'autres pays : les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Chine en 1882 ; l'Italie et la Russie en 1884. Le traité d'amitié, de commerce et de navigation entre la Corée et la France fut signé le 4 juin 1886 et comprend enfin une clause sur la liberté des religions. Victor Collin de Plancy (1853-1923) nommé chargé d'affaires de France en Corée, vint à Séoul en novembre 1887 et il y resta jusqu'en 1890.

Les missionnaires français furent les premiers à publier un Dictionnaire coréen-français en 1880, puis la Grammaire coréenne l'année suivante.

Le Français Charles Varat effectua une "exploration de la Corée, un des pays les plus inconnus", avec l'aide du ministère de l'Instruction publique. Il fut le premier Occidental à traverser la partie méridionale du pays, de Séoul à Pusan, en 1890. il raconta son récit de voyage dans Le Tour du Monde de 1892, illustré d'abondantes images : photos, dessins cartes.

Le colonel Chaillé Long-Bey, auteur de La Corée ou Tchösen (la terre du calme matinal) (1894) était le premier Occidental à visiter l'île de Cheju. Villetard de Laguérie, journaliste à "l'Illustration"suivit la guerre sino-japonaise (1894-1895) et témoigna dans "La Corée indépendante, russe ou japonaise ?" (1898). Un ingénieur employé à la cour impériale de Corée, Émile Bourdaret, écrivit un ouvrage en édition populaire "En Corée". (1904).

 

LES ÉTUDES CORÉENNES

Le premier Occidental qui ait étudié la Corée de façon scientifique et académique fut Maurice Courant. Il séjourna en Corée de 1890 à 1892 en tant qu'interprète à la légation française. Encouragé par son supérieur qui était Collin de Plancy, il réunit une somme impressionnante d'informations sur les livres coréens qui devaient servir à la publication de sa Bibliographie coréenne (1894 - 1901). L'ouvrage de Courant est un véritable monument. Il recense pas moins de 3821 titres, soit presque tous les livres parus en Corée des origines jusqu'en 1899. Son introduction sur la civilisation coréenne est considérée, à cette époque, comme le meilleur écrit d'un Occidental sur la Corée. Aujourd'hui encore l'œuvre de Courant est une référence indispensable.

C'est à cette époque que pour la première fois les romans coréens furent traduits en français. Le gouvernement employait alors un certain nombre d'étrangers pour moderniser son pays. Parmi ces conseillers étrangers, il ya avait une quinzaine de Français : Speyer à l'armée, Clément à la poste, Crémazy à la justice, Rapin,Truche et Pouchard aux mines, Remioro et Martel à l'éducation. Clément fit fabriquer des timbres-postes coréens en France ; la Corée et la France signèrent un accord postal en 1900. Crémazy traduisit le Code pénal de la Corée en français en 1904, et le fit connaître en France. Les missionnaires français fabriquèrent des briques, pour la première fois en Corée, et construisirent la cathédrale de Yakhyôn en 1892 et la grande cathédrale de Myôngdong en 1898, toutes deux à Séoul. Le 19 octobre 1906, le père Demange créa un hebdomadaire écrit entièrement en han'gûl (alphabet coréen), Kyônghyang shinmun, qui contribua au développement de la presse moderne en Corée. L'hebdomadaire, devenu un quotidien national, continue de paraître, sous le même nom, encore de nos jours.

La Corée participa, grâce à l'incitation de Collin de Plancy, à l'exposition universelle de 1900 au Champs de Mars à Paris. Dans le pavillon coréen, de style oriental élégant, furent exposés différents produits des industries et des œuvres d'art : une imitation du trône royal, livres anciens de la collection Plancy, meubles, porcelaines, papiers, produits alimentaires, minerais, etc. Le pavillon coréen accueillit 50000 visiteurs, et remporta un grand prix, trois médailles d'or, dix d'argent, cinq de bronze et trois mentions honorables.

 

LA PÉRIODE JAPONAISE

Contrairement à la période qui va de 1880 à 1910, l'occupation de la péninsule coréenne (1910 - 1945, 35 ans) par le Japon fut une période sombre pour la Corée. On ne trouve aucune publication sur la Corée pendant cette période là mis à part quelques ouvrages sans grand éclat. En mars 1919, le gouvernement provisoire de Corée, qui venait de se créer dans la concession française de Shangaï en Chine, envoya une délégation à Paris, dont le chef était Kim Kyu-shik, dans le but de défendre la cause de l'indépendance de la Corée auprès de la Conférence de la Paix à Versailles, à la suite de la Première Guerre mondiale (1914 - 1918). Mais la délégation coréenne ne parvint pas à prendre part à la conférence. Elle décida alors de faire de la propagande pour dénoncer l'annexion de la Corée par le Japon et les exactions commises par les occupants japonais. À cet effet, elle publia en 1919-1921, une circulaire (La Corée Libre) et un bulletin (L'Indépendance de la Corée). Dès 1920, il y avait une vingtaine d'étudiants coréens en France.

 

INDÉPENDANCE ET DIVISION

À la suite de son indépendance acquise en 1945 (suite à la défaite du Japon, NDWM), la Corée fut divisée en deux États idéologiquement opposés. C'était aussi une époque de troubles socio-politiques. L'économie se trouvait dans une situation catastrophique. Dans le tumulte, la république de Corée fut proclamée le 15 août 1948. La France fut le quatrième pays à avoir reconnu la nouvelle République le 15 février 1949, après l'O.N.U., les États-Unis, la Chine nationaliste (Taïwan) et la Grande-Bretagne. En avril de la même année, la France ouvrit sa Légation à Séoul, nomma Henri Costiles comme ministre plénipotentiaire. La Corée du Sud installa la sienne à Paris avec Kong Ching-hang comme son représentant. Les deux pays renormalisèrent ainsi leurs relations au bout de quarante trois ans d'interruption. Les légations dans les deux capitales respectives furent élevées au rang d'ambassades en octobre 1958. Ce fut un tournant dans les relations diplomatiques entre les deux pays.

Le 25 juin 1950 éclata une guerre fratricide, provoquée par le Nord. La France, un des seize pays qui devaient prendre à la guerre aux côtés de la Corée du Sud, envoya le 22 juillet un bâtiment de guerre dans les eaux coréennes qui intègra la flotte des Nations Unies. Le 24 août, elle annonça l'envoi d'un bataillon (au total 3400 hommes de 1950 à 1953) lequel, dirigé par le général Monclar, débarqua à Pusan le 29 novembre pour être placé sous le commandement des forces terrestres des Nations Unies. Le bataillon français compta 278 morts, et s'illustra par son courage exceptionnel lors des batailles de Crève-Cœur, de Chip'yong-ni, etc.

Cette guerre laissa de profondes séquelles chez les Coréens : les ruines, la séparation de millions de familles, la consolidation de la division, la confrontation de deux systèmes diamètralement opposés. Les Coréens se mirent à reconstruire leur pays et à bâtir leur industrie moderne.

Jusque dans les années 1970, la Corée n'était connue à l'étranger que par la guerre de Corée (1950-1953). En France, il n'y avait qu'un seul ouvrage sur ce pays : "Histoire de la Corée" de Li Ogg,, un des Pères fondateurs de l'Association FRANCE-CORÉE, paru en 1969 dans la collection "Que sais-je ?". Il fut revisé deux fois par la suite : La Corée, en 1979 par J. Pezeu-Massabuau ; la deuxième révision sous le même titre en 1991 par C. Balaize, M. Orange, J.M. Li et Li Ogg.

 

LES RELATIONS FRANCO-CORÉENNES, CULTURE ET ÉCONOMIE

Vers 1970, on comptait seulement 400 résidents coréens à Paris. Le nombre de résidents s'éleva à 3000 vers 1980. Aujourd'hui, ils sont au nombre de 15.000 environ, dont plus de 80% d'étudiants.

Au fur et à mesure du développement économique de la Corée du Sud, les échanges économiques entre la Corée et la France prirent de l'ampleur. Un accord sur l'aviation civile, signé en juin 1974, permit d'ouvrir une ligne directe entre Séoul et Paris. KAL fut aussi le premier acheteur d'avions de passagers AIRBUS construits par la société Aérospatiale. Les établissements coréens installèrent leur bureau ou filiale à Paris.

Le développement fulgurant de la Corée et l'accroissement des échanges entre les deux pays dans les années soixante-dix et quatre-vingt ont suscité la curiosité et l'intérêt des Français pour la culture coréenne. Divers aspects de la Corée moderne ont été décrits dans différents ouvrages : Le Matin Calme (1977) par Max Olivier-Lacamp, La Corée intime (1978) par Maurice Lelong, Un miracle économique, la République de Corée (1980) par Jean Chardonnet, La Corée du Sud (1984) par Frédéric Max, La Corée (1987) par Virgil Gheorghiu, Les Coréens, frères séparés (1990) par Rémy Tessier Du Cros.

Dans les années 1980, le Centre d'Études coréennes du Collège de France publia une dizaine de volumes comprenant les articles des éminents coréanologues comme Maurice Courant, Charles Hagenauer, etc.

La véritable "boom" de publication des œuvres littéraires a commencé au début des années 1990. Les éditeurs arlésiens tels que "Actes Sud" et Philippe Picquier, suivis de "L'Harmattan", "Zulma", "Gallimard", "Belfond", ont sorti en tout une trentaine de volumes.

Le fait important dans les relations économiques entre la Corée et la France dans les années quatre-vingt fut la construction de deux centrales nucléaires, Kori numéro neuf et numéro dix à Uljin, par Framatome. Les années 1990 furent marquées notamment par la signature, en avril 1994, d'un contrat de fourniture de TGV (trains à grande vitesse) par la France à la Corée (46 rames de 20 voitures pour un coût total de 2,1 milliards de dollars) dans le cadre d'un consortium dirigé par GEC Alsthom. Sur ces 46 rames, 12 seront construites en France, le reste en Corée grâce au transfert de technologies à des entreprises coréennes. La première rame a été livrée à la Corée en 1998 et roulera sur un tronçon d'une trentaine de kilomètres dès décembre 1999 pour subir un test. La ligne TGV Séoul - Pusan, le plus grand chantier de travaux publics de toute l'histoire de la Corée, est en pleine construction. Elle sera mise en service en 2004. À part ces grands travaux, il faut signaler également que la Corée a déjà mis en orbite deux satellites par la fusée ARIANE.

Les grandes entreprises et les banques coréennes ont des filiales en France. D'autre part, une centaine d'entreprises et la plupart des grandes banques françaises se sont implantées en Corée. Toutefois le commerce franco-coréen reste à un niveau très faible. La France ne représente que 1,4% du commerce extérieur (exportations et importations confondues) de la Corée, et la Corée ne représente qu'à peine 0,5% du commerce extérieur de la France.

Il existe des associations d'amitié franco-coréenne, parlementaire, anciens combattants de la guerre de Corée, France Corée ; mentionnons aussi celle des hommes d'affaires, des résidents et des étudiants coréens.

Sur le plan culturel, il est plus aisé aujourd'hui, de voir un film coréen à la télévision ou dans les salles de cinéma parisiennes, d'assister aux concerts de musique traditionnelle coréenne et aux expositions de peintures des peintres coréens.

Malgré ces publications et ces manifestations culturelles, somme toute encore bien modestes, et malgré l'enseignement de la langue et de la civilisation coréennes dans les universités telle que Paris VII, INLCO (Institut national des langues et civilisations orientales), Lyon III, Le Havre, Bordeaux III, EHESS (école des Hautes études en science sociales), la Corée reste toujours, en France, un pays peu connu ou méconnu, à redécouvrir et à remettre en valeur à la hauteur de son poids économique, de sa place sur la scène internationale et de sa culture originale modelée au cours d'une histoire multimillénaire. 

Liste des articles

 

 

Contre-coups de la crise en République de Corée
 
par le colonel (ER) Jacques Vernet, docteur en histoire ancien attaché militaire en Corée.
 

L'élection du nouveau président Kim Dae-jung a coïncidé avec la grave crise financière et économique des pays de l'Est et Sud-Est asiatique. Grâce à des révisions déchirantes, la république de Corée a pu remettre de l'ordre dans le système bancaire et dans l'économie mais la situation sociale n'est pas sereine.

 

Une nouvelle présidence est en place depuis maintenant un an et demi, Kim Dae-jung, opposant obstiné aux trois présidents militaires qui se sont succédés de 1961 à 1992, a été enfin élu en 1997 mais il est arrivé au pouvoir au moment même ou la Corée était frappée, avec ses autres partenaires asiatiques, par une grave crise financière et économique, porteuse de problèmes sociaux et politiques.

Kim Dae-jung, élu sur une image d'homme d'ouverture, démocrate, attentif aux réformes demandées légitimement par la population, apparemment indépendant des chaebols et autres féodalités économiques du pays, était bien l'homme à entreprendre l'aggiornamento financier et économique du pays, composé par les corconstances et fortement encouragé par le Fonds monétaire international. Celui-ci d'ailleurs, en faisait une condition sine qua non de son aide. D'abord piqué au vif, le nationalisme profond des Coréens a dû se plier bon gré, mal gré à ces pressions. Aujourd'hui, que peut-on constater en Corée du Sud ?

 

SITUATION POLITIQUE

S'étant paradoxalement appuyée sur une partie de la droite pour vaincre son challenger Lu Chang-hoi, Kim Dae-jung a obtenu la nomination définitive de Kim Song-pil comme Premier Ministre. En même temps, il entreprenait une opération "mains propres", semblable à celle lancée en 1992 par son prédécesseur Kim Young Sam. Cette entreprise s'est trouvée récemment amoindrie par une tentative à l'intérieur de l'Assemblée nationale de soudoyer quelques députés du Giat National Party pour permettre au National Party for New Politics de Kim Dae-jung d'avoir une majorité définitive à la Chambre.

 

RÉORGANISATION DU SYSTÈME BANCAIRE

Le principe retenu par la commission de contrôle des finances coréennes est simple : les banques les plus en difficulté seront absorbées par des partenaires en meilleure situation. Le risque est gros, bien sûr, car si les difficultés viennent à s'additionner, le résultat sera dramatique. Le gouvernement en est conscient et a injecté des fonds dans les cinq banques sélectionnées pour absorber les banques en difficulté. Il est évident aussi que ces absorptions entraînent des restructurations et , par là, des licenciements. Ainsi l'absorption de Dongnam par Hosingand Commercial.

À côté des absorptions, le gouvernement encourage les fusions, comme celle de Commercial Bank of Korea and Hanil Bank. L'opération est plus motivante mais a aussi des conséquences structurelles et sociales. De même, le gouvernement accompagne le mouvement en injectant des fonds équilibrateurs, mais cette attitude aboutit à une progressive nationalisation d'une partie du secteur bancaire, ce qui peut apparaître comme contraire au mouvement du système bancaire mondial.

Enfin, dernier secteur à entrer en période de réorganisation, celui des assurances. La presse s'en est faite l'écho ces jours derniers et il est intéressant d'observer que les propositions les plus performantes viennent de compagnies étrangères. De même que le gouvernement coréen a ouvert son industrie à des participations étrangères, de même le système financier s'ouvre à son tour. Parmi les sociètés présentes, citons Axa (France) et Allianz (Allemagne). Le Crédit Lyonnais assurances est également dans le paysage, puisque selon un de ses managers en Asie, M. Tim Ferdinand, "la libéralisation ajoutée à la dimension du marché - le sixième au monde - le rend particulièrement attractif" .

Réciproquement, et on peut mesurer l'évolution des mentalités coréennes, Lee Song Ko, président de la commission de contrôle des finances, a récemment déclaré sur ce sujet : "Nous sommes à un moment crucial pour notre gouvernement et notre peuple. Nous avons besoin des investissements étrangers"

 

RÉORGANISATION DE L'ÉCONOMIE

Comme le disait Napoléon, "l'Art de la guerre est simple, et tout d'éxécution." On pourrait en dire autant de l'économie, car les principes de la guerre sont les mêmes sur tous les fronts, en particulier, justement, celui de l'économie des forces. Dans ce sens, les solutions suggérées par le FMI et reprises avec convistion par le président Kim Dae-jung étaient simples : réorganisation des chaebols qui conserveront les secteurs où ils sont performants et absorberont les secteurs identiques mais non performants de leurs rivaux. Ainsi, récemment, Hyundai Electronics a acqui le département semi-conducteurs spéciaux D-RAM de Lucky Goldstar mais inversement LG a accepté l'entrée de Philips Amsterdam dans son capital pour pouvoir acquérir DACOM Telephone et une compagnie d'assurances coréenne, Narlife Insurance.

Hyundai, qui reste le chaebol le plus résistant, a en outre, on se le rappelle, racheté KIA Motor qui était en situation de banqueroute. De son côté, Daewoo, deuxième conglomérat coréen, remet de l'ordre dans son organisation, proposant à la vente ses chantiers navals, ses chaînes de camions et d'autobus et même ses deux hôtels Hilton bien connu des visiteurs étrangers, pour se consacrer entièrement à la fabrication des voitures automobiles. Daewoo va repasser son sépartement d'électronique à Samsung, qui lui vendra en échange son département automobile. Précisons que Daewoo est actuellement sous le poids de 60 milliards de wons de dettes.

Mais cette réorganisation au sommet qui se réalise avec plus ou moins d'enthousiasme, au point que les économistes coréens et étrangers la trouve un peu lente, concerne aussi les groupes de deuxième ligne comme Hanwha, Daesang, Ssangyong ou Drosan. Hanwha, qui est le huitième chaebol coréen, était au bord de la banqueroute voici un an. Il s'est débarrassé de dix-sept de ses filiales (il en avait trente-deux), rassemblant ses moyens sur les seules activités chimiques, origines de sa fortune. En fusionnant son département de raffinage avec celui de Daelim, Hanwha va créer le numéro deux des producteurs d'éthylène asiatiques. Ont été vendus les propriétés immobilières et un journal qui était vendu à perte. Conclusion, Hanwha a remboursé les prêts de secours que lui avait accordés le gouvernement.

Certes, si la situation économique semble s'éclaicir grâce à des revisions déchirantes de conceptions collectives (ce qui vous est présenté par ailleurs dans ce dossier) et de comportements individuels (dont sont témoins tous les hommes d'affaires qui se rendent en Corée depuis 1998), la situation sociale n'est pas sereine. Le taux de chômage s'élève à 8,5%, soit 1,7 millions de personnes ; les grèves récentes du métro séoulite ont concerné plusieurs milliers de grévistes, la Seoul Subway Corp voulant mettre à pied 2000 travailleurs, soit un cinquième des ses effectifs. L'an dernier, les grèves aux chantiers d'Ulsan ont duré près de deux mois. On craint que le nombre de chômeurs atteigne bientôt le nombre de deux millions de personnes. La confédération des syndicats coréens (KCTU), avec son leader combatif Lee Yuntai, la préparation des élections législatives prévues en avril 2000 vont retenir une part de l'attention de K.D.J., alors que les chaebols traînent encore pour appliquer les principes du Big Deal entrepris depuis un an. Par ailleurs les hommes d'affaires se plaignent encore de la bureaucratie coréenne, mais ce phénomène est lui aussi un aspect de la fameuse globalisation. Enfin, les traditions sont conservées : le président Chung-Su-Yung de Hyundai a désigné son fils Chung-Mong-Koo comme successeur et non son père Ching-Se-Yung qui était attendu. Personne n'en a été surpris à Séoul.

  

Liste des articles

Les deux États coréens vus de Pékin
par le général (CR) Henry Eyraud, ancien attaché militaire en Chine.
 

La péninsule coréenne est coincée entre deux géants : la Chine, immense pays continental, et le Japon avec son impérialisme économique. Elle est en outre un enjeu international important qui a provoqué l'engagement très actif des États-Unis. Quel est le point de vue chinois sur cette situation ?

 

Quel est le point de vue de la Chine sur le problème coréen ? La Chine est le grand voisin et il est intéressant de se poser des questions sur la politique de Pékin dans la péninsule coréenne et sur l'appréciation d'experts chinois sur la Corée du Nord. Mieux informés que nous, ces experts ont aussi des liens plus proche à travers les zones frontalières.

La péninsule de Corée est un enjeu international important, qui a provoqué par le passé des luttes d'influence entre l'ex-URSS, le Japon, les États-Unis et la Chine. La situation actuelle s'est cristallisée il y a dix ans, après la fin de la guerre froide, avec un certain effacement de la Russie - peut-être provisoire - et un engagement plus actif, au contraire, des États-Unis sur la question nord-coréenne. Deux raisons à celà: la famine qui s'est déclenchée à partir de 1993 - 1994 et la "menace" nucléaire et missiles dont Pyong Yang a voulu jouer.

Sur ce terrain, la relation Chine - États-Unis est restée la plus importante pour Pékin. Les Chinois sont toujours vigilants vis à vis de ce qui se passe dans la péninsule voisine, en particulier à l'égard des initiatives américaines et japonaises.

La Chine a adopté une politique pragmatique en essayant de tirer le meilleur avantage de ses relations avec les deux États coréens. Pékin a su renforcer d'année en année ses relations économiques avec la république de Corée (Sud). Il lui était cependant plus difficile et plus ingrat de maintenir simultanément les restes de son influence politique à Pyong Yang.

 

CHINE - CORÉE DU SUD

À la veille de la crise économique régionale de l'été 1997, les échanges commerciaux entre la Chine et la République de Corée augmentaient à un rythme annuel de 25% et avaient dépassé vingt milliards de dollars américains. On avait noté qu'en 1996 plus de sept cent mille personnes avaient voyagé entre les deux pays, dans un sens ou dans l'autre. L'activité et les liens sino-coréens étaient en croissance rapide.

On ne sait pas assez qu'une présence sud-coréenne significative est récemment apparue en Chine, dans le district autonome de Yan Bian qui jouxte la frontière sino - nord-coréenne. Les Sud-Coréens ont pu y développer un effort d'information et de contact en même temps que des projets d'investissements. Mais les investissements sud-coréens les plus importants se sont fixés dans les trois provinces chinoises les plus proches, le Shandong - cette sorte de Bretagne chinoise - et les deux provinces sud de l'ex-Mandchourie, le Liaoning et le Jilin, un ensemble plus étendu que la France et peuplé de presque cent cinquante millions d'habitants.

 

CHINE - CORÉE DU NORD

La Chine soutient le Nord de trois façons et dans certaines limites :

* par une aide gouvernementale discrète ;
* par des échanges frontaliers qui sont pratiquement subventionnés ;
* en tolèrant localement des opérations privées de troc et de marché noir.

Le but de Pékin est apparemment de maintenir son influence sur la Corée du Nord dans la mesure du possible et d'aider à éviter un effondrement du régime. La vision des experts chinois sur ce pays, allié quoiqu'incommode, peut être résumée en trois points :

* Ils admettent (mi-1999) qu'un effondrement du système politique nord-coréen est dans les possibilités, tout en doutant que ce soit imminent. Pourquoi ? Les Chinois font ressortir que l'endoctrinement idéologique intense et l'isolement quasi complet de la population nord-coréenne la font vidre dans un climat d'illusions difficile à imaginer. Dans un tel régime il est en outre pratiquement impossible d'organiser un mouvement d'opposition et encore plus une rébellion ou une dissidence. Enfin nul ne peut survivre en Corée du Nord en se coupant des réseaux de ravitaillement bureaucratiques, si démunis soient-ils.
Pour les experts chinois, la crise alimentaire était plus grave dans les villages éloignés que dans les villes. On pouvait estimer que le quart de la population était morte de faim dans certaines zones rurales de la périphérie, ce qui était tout de même très supérieur à la moyenne. Mais, grace surtout à l'aide alimentaire internationale, on pensait à Pékin que cette crise tragique ne constitue plus aujourd'hui une menace pour le régime de Pyong Yang.

* Autre point de vue de spécialistes chinois : des réformes économiques radicales seraient indispensables à cette survie du régime. Jusqu'en 1999, la Corée du Nord a résisté aux conseils et aux pressions chinoises allant dans ce sens. La crise alimentaire l'a toutefois forcée à tolèrer au moins temporairement certains changements :

- la régionalisation administrative des responsabilités du ravitaillement ;
- l'acceptation progressive du marché noir et de marché privés ;
- l'expérimentation à petite échelle du système de "responsabilité familiale" , qui a permis en Chine la décollectivisation 
 de l'agriculture ;
- la "zone économique spéciale" de Tumen, dans l'extrême-nord du pays.

* Les Chinois notent que le désastre humanitaire en cours en Corée du Nord a eu un impact sur les régions frontalières chinoises. Un certain nombre d'entreprises trop dépendantes des échanges bilatéraux ont fait faillite. En permanence, des réfugiés nord-coréens pénètrent en Chine, à la recherche de ravitaillement ou pour fuir leur pays. Ceci crée des problèmes sécuritaires, humanitaires et sanitaires. La Chine est obligée de trouver des compromis entre toutes ces nécessités parfois contradictoires.

En conclusion, vues de Pékin et malgré la crise économique régionale depuis 1997, les relations avec la Corée du Sud offrent des perspectives frustueuses. La Corée du Nord, en revanche, est vue comme un pays en danger de déstabilisation s'il reste attaché à la même rigidité idéologique et politique. Et la Chine reste très vigilante à l'égard de toutes les initiatives américaines ou japonaises dans la péninsule. 

Liste des articles
  
Les relations Corée - Japon :
du poids de l'histoire et de la géographie

par René Servoise, diplomate

"La politique d'un État est dans sa géographie"

La réflexion de Napoléon prend tout son sens à examiner les relations entre la péninsule de Corée et l'archipel du Japon, relations constantes et tumultueuses.

 

LA GÉOGRAPHIE

Une différence essentielle entre la Corée et le Japon s'explique par leur localisation géographique. Alors que la Corée est soudée à l'immense tout chinois, le Japon, lui, est un archipel relativement isolé du continent (mers hostiles, courant, typhons et brouillards). Le parallèle entre la situation de l'Angleterre et celle du Japon - situés aux deux extrémités de l''Eurasie - doit être établi.

Nombre de similitudes en découlent, jusque dans le caractère national de ces deux peuples. Mais l'isolement du Japon, par rapport à l'Asie, a été considérablement plus marqué que l'Angleterre (envahie par les Romains et les Normands) qui occupa longtemps la France et joua un rôle majeur dans la politique européenne. La Manche n'est large que de 40 kilomètres ; le détroit de Tsushima est de 200 kilomètres. La Chine n'a jamais exercé sa puissance militaire sur le Japon, alors que la Corée est un "état tributaire". C'est à travers lui que les influences culturelles (philosophiques et techniques) sont filtrées. Ajoutez la projection du continent asiatique par la péninsule coréenne.

La Corée constitue un tremplin pour les invasions pacifiques ou agressive de la Corée ou de la Chine vers le Japon, mais c'est une tête de pont sur le continent pour ce dernier.

Celà nous entraîne dans l'histoire tumultueuse de leurs relations.

 

L' HISTOIRE

Elle comporte quatre épisodes. J'insisterai sur les deux premiers, car ils sont sortis de la mémoire occidentale ; j'évoquerai simplement les deux derniers qui appartiennent à l'Histoire moderne.

- La Corée tremplin asiatique vers le Japon.

Ce sont les tentatives d'invasion et les débarquements mongolo-coréens au XIIIe siècle. Devant les refus répétés des Japonais de lui payer tribut, Kubilaï Khan, en 1274, lance 25 000 Mongols et Coréens sur le Kyushu. Les Samuraï font face aux charges des redoutables cavaliers et aux missiles lancés par des catapultes.

Les vents des dieux (Kami Kases) appuient la défense. En 1281, Kubilaï Khan récidive, mais avec 140 000 hommes. La lutte se poursuit sur le territoire japonais, mais un typhon intervient à nouveau.

La déesse Amaterasu O Mikami avait été entendue. Le Japon ne sera plus attaqué avant... la deuxième guerre mondiale. À ce moment, pour conjurer le destin le nom des Kami Kases est repris.

- La Corée tête de pont pour le Japon

Au XVIe siècle à la fin de sa vie, le Napoléon Japonais, Toyotomi Hideyoshi lance ses attaques vers la Corée pour atteindre la Chine. Pour les préparer il étudie un lexique chinois sur un éventail ; sur l'autre face figurent les cartes de la Corée et de la Chine. Démesure toute nipponne que cette ambition. En 1587 et 1597, il expédie son armée, qui a l'avantage de possèder des armes à feu. L'invasion doit battre en retraite devant les masses coréennes. C'est la première grande offensive du Japon vers le continent. La Chine des Ming porte secours à la Corée, son état tributaire attaqué. De son côté, l'amiral coréen Yi Sun-Sin sait faire face à l'envahisseur avec ses "navires-tortues" (les premiers cuirassés). Au total les Japonais auront opéré deux offensives en 1587 avec 160 000 hommes, en 1597 avec 140 000 hommes.

- Corée, tête de pont sur le continent, annexion de la Corée par le Japon

Après avoir envoyé par le fond la flotte chinoise, le Japon envahit la Corée, puis, après une période de protectorat, l'annexe en 1910. De cette colonisation japonaise, la Corée hérite d'une infrastructure moderne (réseau de chemin de fer et de routes, début d'une industrie). La main du colonisateur est rude. La Corée et le Japon étaient au XIXe siècle parvenus à des niveaux de civilisation par trop comparables pour qu'une "colonisation" ne fut pas ressentie comme une "occupation". Avec toutes ses conséquences ; d'où le contentieux existant et qui est loin d'être réglé. Rien n'est oublié, ni pardonné par les Coréens.

- Guerre de Corée

Le 12 janvier 1950, le secrétaire d'État américain Dean Acheson laisse croire, dans un discours, que la Corée du Sud est située hors du périmètre de défense américain. S'en suit la guerre de Corée, où la Corée du Nord, puissamment assistée par la Chine, descend jusqu'aux environs de Pusan.

Au total se font face deux peuples fiers - non sans raisons - doués et dont les relations sont permanentes (il y a 600 000 Coréens établis au Japon) et difficiles.

 

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Un des faits marquant de l'évolution dans cette partie du monde (Chine, Corée(s), Japon) a été la reprise des relations diplomatiques - août 1999 - entre Séoul et Pékin. Depuis, les échanges économiques se multiplient : la Chine devient le troisième partenaire de la république de Corée (après les États-Unis et le Japon). En novembre 1998, est même évoqué le passage à "un partenariat coopératif pour le XXe siècle". Il y a une certaine coïncidence entre la vision de Kim Dae-jung et celle de la Chine. La Corée préconise une période de coexistence pacifique avec Pyongyang pour préparer une éventuelle réunification entre les deux Corées.

Ce rapprochement entre Séoul et Pékin, s'observe au moment où apparaît une divergence entre Séoul et Washington. Il est en effet difficile pour Séoul de voir les Américains traiter directement et exclusivement avec Pyongyang pour les affaires coréennes.

Cette divergence traduit la vision planétaire de l'Amérique, soucieuse de la non-prolifération des armes de destruction massive, alors que la république de Corée est exclusivement préoccupée par la réunification à venir de la Corée.

Ainsi la Chine et les États-Unis deviennent-ils des acteurs majeurs, relèguant le Japon à un rôle régional. C'est une revanche de Pékin sur Tokyo, qui avait assuré, dans la première partie du XXe siècle, le rôle essentiel. Depuis l'accident d'août 1998, où un missile balistique (Pyongyang évoque un satellite) a survolé le Japon avant de s'abîmer dans le Pacifique, la Corée du Sud et le Japon envisagent de développer des missiles de défense régionale (TMD).

Qui bénéficie de cet incident provoqué par Pyongyang ? Les militaires nippons justifiés dans leur volonté de défense et de réarmement.

Dans ce rééquilibrage en cours, les acteurs retrouvent le rôle traditionnel que la géographie leur assignait.

 

Liste des articles
 

La crise diplomatico-militaire États-Unis Corée du Nord

 

par le chef de bataillon Loïc Frouart

 Il n'est pas possible de traiter de la république de Corée sans aborder la crise ouverte, en 1993, par l'intention émise par la Corée du Nord (RPDC) de se retirer du T.N.P., et la façon dont elle a été résolue.

Pris au dépourvu, les États-Unis eurent du mal à réagir, ce qui entraîna une forte tension dans leurs relations avec le Sud, mais le succès de la RPDC n'est qu'apparent face à la diplomatie économique de Séoul.

La république populaire démocratique de Corée (RPDC) sortit renforcée par la partition de la péninsule et s'imposa durant la première partie de la guerre froide face à une république de Corée sous tutelle américaine.

 

DE L'AUTARCIE À L'OSTRACISME

Cependant, le miracle du Nord s'essoufla dès la fin des années soixante et mit en lumière les limites de la "juche" au moment où la Corée du Sud connaissait un décollage économique fulgurant et initiait un renversement des allainces au sein du camp communiste à son profit : établissement de relations diplomatiques avec Moscou en 1990 et Pékin en 1992.

Confrontée à une crise multiforme, la RPCD décida en 1993 de recourir au chantage nucléaire après deux années qui virent son isolement diplomatique s'aggraver et la pression internationale se resserrer autour de son programme nucléaire.

Après avoir vu combien la stratégie nord-coréenne fut payante pendant la crise, nous analyserons le contenu de l'accord cadre États-Unis - RPDC d'octobre 1994.

 

LA CRISE

Les évènements composent en fait deux crises : une crise ouverte de mars 1993 (date de l'annonce par la RPCD de son intention de se retirer du TNP) à la signature de l'accord cadre d'octobre 1994 et une crise de basse intensité qui, d'octobre 1994 à décembre 1995 vit le début de la mise en place des organes nécessaires à l'application de cet accord (création de la KEDO - Korean Energy Development Organisation - et signature de l'accord de livraison des réacteurs).

Plongées dans une période de turbulences alors qu'elles venaient à peine d'être investies, les administrations américaine et sud-coréenne mirent un certain temps à réagir, laissant à Pyongyang l'opportunité de conserver l'initiative et de tirer de sa statègie des gains immédiats. En effet la RPDC dirigea les évènements, négociant quand elle le souhaitait et rompant les discussions à sa guise (on peut voir une description de cet état de fait dans l'ouvrage de Leon Sigal "disarming strangers" Princeton University Press 1998)

La preuve de cette mainmise nord-coréenne transparait à travers trois faits :

* d'une part, les États-Unis donnèrent au régime de Kim Il Sung ce qu'il souhaitait en négociant avec lui sans mettre en application leurs discours de fermeté prononcés à l'encontre des états parias ("rogue states") et en abandonnant très tôt une résolution du conseil de sécurité comportant des sanctions ;

* d'autre part la Corée du Nord marginalisa d'emblée l'AIEA en refusant d'accéder à ses demandes et en empêchant le bon déroulement des inspections ; cette politique qui se traduisit par une rupture entre l'agence et Pyongyang au printemps 1994 fut conduite sans qu'à aucun moment Washington menace sérieusement le régime nord-coréen ;

* enfin, dans la lignée de ce refus de toute négociation avec une instance internationale, Pyongyang parvint à évincer du processus de règlement l'ONU elle même ; en effet, outre le blocage fonctionnel du conseil de Sécurité confronté au veto chinois (la seule résolution votée par le Conseil de Sécurité le 12 mai 1993 fut particulièrement complaisante, se contentant "d'inviter" la RPDC à coopérer avec l'AIEA. Résolution numéro 825), les autorités de Pyongyang refusèrent toute médiation du secrétaire général, annonçant même en écho aux déclarations du ministre chinois des Affaires étrangères, qu'une tentative de règlement par l'ONU ne ferait que compliquer les choses.

Ces gains immédiats de la Corée du Nord furent certes dus en partie à l'habileté des autorités de la RPDC dans la conduite de leur stratègie mais on peut souligner trois autres facteurs qui se révélèrent décisifs dans la façon dont se déroula la crise :

* il convient d'abord de souligner combien les États-Unis furent pris au dépourvu par le défi que leur lança la RPDC en mars 1993; en effet, compte tenu des contraintes propres aux institutions américaines, les dossiers furent gérés par des subalternes ou des services mixtes (composés de membres des administrations montantes et descendantes) jusqu'en juin, date à laquelle le Congrès ratifia les nominations ; en outre, l'administration américaine répugna à négocier tant elle était convaincue du bien-fondé d'une stratégie qui se révéla inadaptée. Cette stratègie de confrontation était en effet inopérante dans le cas précis, d'une part parce que la RPDC détenait entre ses mains le destin du TNP à moins d'un an de la conférence de reconduction et d'autre part parce que toute action militaire contre le régime nord-coréen se serait à coup sûr soldé par un bilan humain inadmissible tout en risquant de déclencher un embrasement régional ; l'incapacité américaine à s'imposer durant la crise devint indubitable en juin 1994 lorsqu'au bord de l'épreuve de force, le président Clinton se résolut à faire appel à la diplomatie officieuse de l'ex-président Carter qui, lors d'une visite à Pyongyang, sortit la crise de l'impasse et relança le processus de règlemenet qui aboutit à l'accord-cadre du 21 octobre 1994 ;

* de plus, la Chine annonça très tôt son soutien à un règlement négocié, s'opposa à toute tentative d'imposition de sanctions par le biais du Conseil de sécurité et profita de la crise pour acquérir un statut de pays incontournable dans la recomposition des relations internationales en Asie du Nord-Est ;

* enfin, la Corée du Nord fit face à une coalition souvent désunie. À l'hostilité de la Chine à tout règlement par la contrainte s'ajouta fin 1993 une crise américano - sud-coréenne grave. En effet, à l'automne 1993, il semble que l'Administration américaine se résolut à adopter une stratégie plus pragmatique et à accepter le principe de concessions économiques et politiques en échange de preuves de bonne volonté nord-coréenne (stratégie connue sous le nom de "package deal" ou marché global, par opposition à une approche qui n'envisageait de concessions américaines qu'à l'issue du règlement de la question nucléaire). Or la Corée du Sud avait toujours affirmé que, selon elle, le dialogue avec Pyongyang ne devait porter que sur le nucléaire et que surtout l'apurement du contentieux nucléaire devait précéder toute discussion plus générale.

Après la crise grave du déchargement du réacteur (mai 1994) désamorcée par la visite à Pyongyang de Jimmy Carter, il semble que les deux parties eurent à cœur d'aboutir à un accord pour des raisons différentes : pour les Américains, l'imminence de la perte de la majorité au Congrès et l'incertitude quant aux intentions de Kim Jong Il furent décisives, tandis que pour les Coréens, c'est vraisemblablement le risque d'abstention chinoise à l'ONU en cas d'obstination excessive nord-coréenne et l'aspect "dernière chance" de la visite de monsieur Carter qui incitèrent à la modération.

C'est ainsi que le 21 octobre 1994, un accord-cadre fut signé et consacra de facto le succès de la stratègie nord-coréenne.

 

L'ACCORD-CADRE : VICTOIRE NORD-CORÉENNE

L'accord cadre qui régla la phase ouverte de la crise fut sans conteste un texte "taillé" pour la RPDC ; il reprend pratiquement mot pour mot une proposition nord-coréenne d'août 1993 non considérée à l'époque par une administration américaine encore déterminée à mette en œuvre sa stratégie exclusivement "punitive".

Engagements de la RPDC

La RPDC s'engagea à geler son réacteur de 5MW et à démanteler son programme avant 2003, l'AIEA étant autorisée à constater le gel du programme mais sans autre prérogative (aucune inspection), la RPDC s'engagea en outre à rechercher une méthode pour stocker et sécuriser le combustible irradié déchargé du réacteur.

Au plan politique la RPDC s'engagea à demeurer dans le TNP et à favoriser la mise en œuvre la déclaration de dénucléarisation par le biais de la relance Nord-Sud.

Engagements des États-Unis

Outre le fourniture de réacteurs à eau légère, moins proliférants que ceux de la filière "graphite-gaz", par un consortium créé à cet effet, Washington s'engagea à livrer à Pyongyang 500 000 tonnes de pétrole par an jusqu'à l'achèvement de la première centrale à eau pressurisée pour pallier la perte d'énergie due à l'arrêt du réacteur de 5MW.

La normalisation des relations économiques et diplomatiques entre la RPDC et les États-Unis fut envisagée.

 

Enfin, la plus grande victoire de la RPDC résida dans le moratoire sur les inspections de l'AIEA "pour une durée de cinq ans environ" et dans l'absence d'un calendrier strict des opérations à mener.

 

LE SUCCÈS APPARENT DE LA RPDC S'EST-IL CONFIRMÉ À MOYEN TERME ?

Il semble que cet accord était le meilleur ou le moins mauvais possible pour toutes les parties compte tenu de la situation.

Le succès de la RPDC s'il était évident en octobre 1994 paraît cependant limité car dès 1995, Pyongyang qui dut se résoudre à accepter des réacteurs sud-coréens, ne constata pas d'amélioration de ses situations économique et diplomatique. Ainsi, les suites de l'accord semblent prouver que si le chantage nucléaire peut être utilisé en relations internationales il doit s'accompgner de mesures intérieures qui garantissent au régime la possibilité de tirer profit de cette stratégie ; au lieu de celà, Pyongyang, par son hostilité à tout réformisme, paraît plus vulnérable que jamais à la "politique d'embellie", certes processionnelle mais qui devrait porter ses fruits à long terme, tant elle peut s'assimiler, à l'échelle de la péninsule, à la diplomatie économique que Séoul mit en œuvre à la fin de la guerre froide, avec le succès que l'on sait.

Liste des articles

 


  Questions coréennes, vues d'Europe

par F.F. Hadeux.

 

Il existe pour les observateurs inattentifs, un risque de sous-estimation de l'enjeu coréen. En apparence, en effet, la Corée du Sud est un pays de taille moyenne, avec 46 millions d'habitants, dans un environnement marqué par le gigantisme : la Chine, 20 fois plus peuplée au Nord; le Japon près de 10 fois plus riche.

 

LA PÉNINSULE COMME ÉTALON DE MESURE

Si la réunification des deux Corée intervenait aujourd'hui, la Corée aurait un territoire de 220 000 km² et une population de 70 millions d'habitants. Elle profiterait de ressources naturelles abondantes, que les géographes localisent surtout dans le Nord de la péninsule et qui sont, pour l'heure, peu exploitées. Elle hériterait d'une puissance industrielle qui a fait la Corée du Sud la onzième économie mondiale. Il est vrai que cette réunification, avec une Corée du Nord en situation économique très difficile serait un poids économique à porter pour la population du Sud, si elle intervenait dans la précipitation.

Mais la dimension de la Corée ne se limite pas à deux moitiés de péninsule à réunifier. Le rôle stratégique joué aujourd'hui par ce territoire est bien évidemment sans commune mesure avec la surface qu'il occupe sur la carte. La notion de "pivot stratégique" s'applique particulièrement bien dans ce cas. La Corée a constitué, historiquement, un enjeu des rivalités entre la Chine et le Japon. Aujourd'hui, elle n'est pas seulement - et n'est peut-être plus fondamentalement - "l'un des derniers bastions de la guerre froide", selon l'expression consacrée. Elle est désormais l'ancrage essentiel de la présence américaine en Asie. Peut-être même d'ailleurs peut-on dire, au risque qu'une telle présentation ne passe pour une provocation, que c'est la Corée du Nord hostile qui est le pivot de cette présence : si la Corée du Nord disparaît, si la péninsule est réunifiée, combien de temps la population coréenne jugera-t-elle la présence américaine sur son sol nécessaire à sa sécurité ? Et si l'armée des États-Unis se retire de Corée, combien de temps pourra-t-elle rester au Japon ? Mais le face-à-face sino-japonais qui résulterait du retrait des forces américaines de l'Asie du Nord-Est donne sans doute pour l'instant à réfléchir aux États de cette zone et engage la plupart à souhaiter le statu quo, incertains qu'ils sont encore des capacités de leur région à mettre en place une structure alternative de sécurité proprement asiatique.

 

LES OUTILS DE L'INDÉPENDANCE

L'indépendance constitue pour la Corée une valeur cardinale, qui par trois fois au cours du XXe siècle a été mise en péril.

La colonisation japonaise de la péninsule, de 1910 à 1945, trouve ses origines dans un déséquilibre de puissance entre Chine et Japon au profit de ce dernier. Les Coréens ont pu en tirer l'enseignement qu'ils avaient besoin de l'équilibre entre leur deux grands voisins pour garantir leur propre indépendance. Ce principe reste sans doute valable aujourd'hui. Il faut donc pour Séoul mener une politique de juste milieu entre Tokyo et Pékin, position bien tenue depuis l'établissement des relations diplomatiques sino - sud-coréennes en 1992 et consolidée par le président Kim Dae-jung qui mène en parallèle une montée en puissance des relations de Séoul avec les deux capitales. Mais la Corée du Sud doit aller plus loin et tâcher de contribuer activement à l'équilibre de puissance sino-japonais.

La volonté d'indépendance de la Corée a été ensuite contrarièe par la guerre froide, par la division qui a été imposée à la péninsule, par la dépendance qui en a découlé dans lme domaine de la sécurité et du développement économique, pour Pyongyang à l'égard de Pékin et Moscou, et pour Séoul à l'égard de Washington.

Enfin, troisième expérience, dans la période récente d'après guerre froide, la Corée du Sud ne dépend plus des États-Unis pour son économie, mais continue à s'appuyer sur eux pour sa défense. Or, dans le même temps, renversement de situation historique, la Corée du Nord est devenue fortement dépendante de l'Occident capitaliste, en particulier des États-Unis et de l'Union européenne, pour sa survie économique. La Corée du Nord reçoit, chaque année depuis trois ans, environ un million de tonnes d'aide alimentaire gratuite, dont la moité viendra des États-Unis en 1999. Pour autant il reste difficile de déceler dans les politiques poursuivies par Pyongyang un véritable effort pour sortir de la mendicité internationale.

 

LA CORÉE DU SUD A PRIS L'INITIATIVE

Les Coréens font face à un partenaire américain aux objectifs et aux intérêts complexes, souvent contradictoires avec ceux de Séoul. Les États-Unis veulent conserver leurs troupes en Corée, pour éviter l'effet domino d'un retrait, qui risquerait de les exclure de la zone et de laisser se développer une confrontation sino-japonaise sans modérateur. Ils n'ont donc sans doute aucun intérêt à un effondrement soudain de la Corée du Nord, et rejoignent en celà les préoccupations sud-coréennes.

Mais les intérêts divergent sans doute sur la perception de la menace nord-coréenne. Les États-Unis craignent la menace globale que fait peser Pyongyang par ses activités proliférantes, nucléaires et balistiques, et sont prêts à négocier avec la Corée du Nord sur ce thème, quitte, peut-être, à accepter en échange la perspective d'une menace nord-coréenne localisée. La Corée du Sud, elle, craint cette menace localisée, dont elle est la première cible. La prolifération balistique, aux yeux des habitant de Séoul, beaucoup moins tangible que l'artillerie à longue portée ou que l'infanterie mécanisée nord-coréennes positionnées à 40 kilomètres de la capitale sud-coréenne.

Malgré ces contradictions d'intérêts, ou ces perceptions différentes de la menace, un accord s'est fait entre Washington et Séoul sur une approche commune à l'égard de Pyongyang. L'initiative vient de la Corée du Sud et est à mettre au crédit du président Kim Dae-jung. Cette approche commune manquait depuis 1993, quand les États-Unis avaient pris l'initiative de la négociation avec Pyongyang dans le domaine nucléaire. Après la signature du cadre agréé de Genève et la mort de Kim Il-Sung (1994), Pyongyang faisait mine de ne plus reconnaître comme seul interlocuteur que les États-Unis et multipliait les provocations et les incidents de frontières pour rendre difficile, à Séoul, le choix de l'engagement.

Mais, précisément, ce choix qu'a fait le président Kim Dae-jung a son investiture en février 1998 modifie sensiblement la donne, il redonne à Séoul l'initiative dans les affaires de la péninsule. Cette politique d'engagement vise à encourager le développement des relations intercoréennes dans tous les domaines, tout en maintenant dans un premier temps la posture de défense sud-coréenne fondée sur l'alliance avec les États-Unis. Séoul encourage ses partenaires à adopter la même approche. Cette démarche a débouché en septembre 1999 sur la décision de lever une grande partie des sanctions économiques américaines à l'égard de Pyongyang. Avec le développement, encore embryonnaire, des échanges économiques nord - sud, cet ensemble de mesures est susceptible de réduire à terme la menace nord-coréenne en donnant à Pyangyang la possibilité de fonder sa survie sur autre chose que le chantage nucléaire, balistique ou humanitaire.

Les critiques de la politique d'engagement, à Séoul et à Washington, notent la relative modestie de ses réalisations en une année et demi d'application. Or cette politique est conçue pour le long terme. Il faut donner le temps aux dirigeants de Pyongyang de prendre confiance dans la cohérence de cette démarche, qui exige aussi de Séoul une grande patience pour maintenir son approche en dépit d'incidents de frontière difficilement évitables. Ceci dit, la politique d'engagement donne déjà des résultats encourageants : projets de coopération du groupe sud-coréen Hyundai (tourisme aux monts Kumgang en Corée du Nord ; projet de développement d'un parc industriel) ; développement des contacts personnels (le nombre de visites sud-coréennes en Corée du Nord a beaucoup augmenté, et des liens ont été noués, avec l'aide du prétexte sportif, entre les organisations syndicales des deux Corée). En outre, le soutien international à la politique d'engagement de Séoul est très affirmé, y compris à Pékin, ce qui constitue un facteur très positif.

 

L'EUROPE EST BIEN PRÉSENTE EN CORÉE

L'Union européenne a apporté son soutien dès l'origine à la politique d'engagement menée par la Corée du Sud. Il ne s'agit pas seulement d'un soutien verbal, mais bien d'une présence concrète aux côtés de la Corée du Sud. Ainsi l'Europe accorde une aide humanitaire très importante à la Corée du Nord depuis 1996. Elle était le premier contributeur international en 1997, avec un programme de 70 millions d'euros et a prévu d'y consacrer encore 30 mlillions d'euros en 1999. L'Union européenne est aussi mermbre exécutif de la KEDO (Korean Energy Development Organization), qui met en œuvre les engagements pris dans le cadre agréé américano - nord-coréen de 1994 au titre de la non-prolifération nucléaire et elle contribue au bugget de cet organisme à hauteur de 75 millions d'euros sur 5 ans.

Enfin, l'Europe accompagne concrètement la politique d'engagement à l'égard de la Corée du Nord et n'impose pas de sanctions économiques à l'égard de ce pays. Elle a aussi engagé avec la Corée du Nord, en décembre 1998, un dialogue politique au niveau des fonctionnaires qui lui permet de maintenir le contact et de faire connaître ses positions.

On peut relever que la crise économique à laquelle a été confrontée la Corée du Sud a, paradoxalement, mis en relief l'importance économique de l'Europe dans ce pays. L'Europe est en effet le premier créancier de la république de Corée : elle détenait en décembre 1997, au moment où la crise a éclaté, 34% des créances extérieures sur le pays (contre 24% pour le Japon et 9% pour les États-Unis). À ce titre, ses banques, et en particulier les banques françaises qui détenaient plus de 60 milliards de francs d'en-cours de créances, avaient un intérêt et une responsabilité particulière dans le règlement de la crise financière. Elles ont joué le premier rôle dans le processus de rééchelonnement qui a contribué à la stabilisation et à la forte reprise que nous constatons aujourd'hui. La contribution des autorités publiques européennes au plan de soutien mis au point sous l'égide du FMI pour la Corée (tout pour comme l'Indonésie et la Thaïlande, d'ailleurs) a été très importante.

La tenue à Séoul en octobre 2000 du troisième sommet des chefs d'États et de gouvernements d'Europe et d'Asie (ASEM), pendant la présidence française de l'Union européenne, est bien représentative des tendances de notre coopération avec la Corée. Au delà des légitimes préoccupations bilatérales, une relation confiante et dynamique avec Séoul se développe de plus en plus pour peser sur de concert dans les grandes questions internationales, au proifit de la sécurité en Extrême-Orient et du dialogue comme moyen de prévenir et de résoudre les crises.

  
Liste des articles
 
SOMMAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . RETOUR Table HISTOIRE