CORÉE: Origines et ... fin prochaine d'un vieux contentieux ?

L'éxpédition de l'Amiral ROZE en Corée
Le témoignage extraordinaire d'un témoin et acteur des évènements de 1866, le Quartier Maître Eugène MASSON, mécanicien à bord de la canonnière "le Tardif"

Jean-Pierre CALAIS, par courrier électronique (courriel) du dimanche 25 février 2001 nous a écrit :

Bonjour,

J'ai trouvé dans des papiers de famille une lettre d'Eugène Masson à ses parents, lettre dont j'ai tiré les renseignements suivants :

Masson Eugène, quartier-maître mécanicien à bord de la canonnière "Le Tardif",
il se trouvait à Ning-Po (en Chine) le 15 décembre 1866

Ce sont les seules données en ma possession. Malheureusement, une grande partie de la lettre est devenue illisible avec le temps.


Ning-Po le 15 décembre 1866

Mes chers parents,

Je réponds à votre lettre datée du 6 octobre qui m'a fait un sensible plaisir...

... que vous étiez tous en bonne santé ... .... illisible ...
... bien je désire que ma présente ... ...
... témoignez le déplaisir de ne pas ... ...
... trois mois sans vous écrire ... ...
... il y aura aussi deux mois que... ...
... quelques traverses que j'ai eu à passer... ...
... quelques détails ... ...
... que je vous ai écrit, j'étais alors à Tché-Fou... ...
... de station ne vous a donné aucun... ...
... rappelé par l'amiral pour nous rendre à une nouvelle guerre dernièrement déclarée en Corée.

Il est bon de vous dire que la Corée est un pays encore presque inconnu elle se trouve située dans le nord de la Chine et forme une langue de terre qui s'avance dans la mer en se dirigeant du côté du Japon. Le peuple de ce pays ne veut avoir aucune relation avec les autres puissances, pas même avec la Chine et le Japon qui sont leurs voisins, ils ne souffrent pas qu'un étranger mette le pied sur leur territoire. Malgré celà 12 missionnaires français s'étaient introduits chez eux, ils avaient pris leur costume et étudié leur langage, ils y étaient déjà depuis un certain nombre d'années et le roi de ce pays avait fini par les tolérer chez lui, lorsqu'au mois de mars dernier il lui prend tout d'un coup la fantaisie de les mettre à mort, mais il n'a pu en arrêter que 9, deux se sont sauvés dans les montagnes le troisième s'est sauvé sur une petite barque avec quelques chrétiens déjà convertis à notre religion, et sont arrivés à Tché-Fou après sept jours de traversée, le missionnaire a rendu compte aux autorités françaises de la manière dont ils avaient été traités.

Après avoir eu connaissance de ces faits, il s'agissait d'aller trouver messieurs les Coréens pour leur apprendre qu'ils n'avaient pas le droit de traiter ainsi nos compatriotes.

Mais avant d'aller porter la guerre chez eux, il s'agissait d'abord de connaître ce pays, de sonder les fonds de leur rivière afin de savoir jusqu'où nous pourrions faire monter nos bâtiments. À cet effet nous sommes partis dans le commencement du mois de septembre avec deux canonnières le Tardif et le Déroulède et une corvette le Primauguet. Après une heureuse traversée nous avons mouillé à l'entrée de la rivière de Séhoul qui mène à la capitale de ce royaume, la corvette a resté à l'entrée de cette rivière tandis que les deux autres petits bâtiments remontaient la rivière tout en sondant et en dressant les plans.

Je vous laisse à penser quel était l'étonnement des habitants de ces rivages de voir ces bâtiments remonter la rivière tout seul car vous pensez bien qu'ils ne se doutent pas encore de ce que c'est que la vapeur. Pendant notre trajet, nous nous faisions passer pour des enfants de la lune, mais arrivés à quelque distance de la capitale ils auront probablement trouvé que les enfants de la lune pénétraient trop dans leur intérieur. Ils nous ont barré la rivière avec une trentaine de gros navires, mais nous étions arrivés trop près du but pour reculer, aussi nous sommes-nous ouvert un passage au travers de ces gros navires à coups de canon ce qui n'a pas été long, mais en continuant notre route juste en face de l'endroit où était ces navires, on nous envoie une énorme flèche traversant un boulet. Nous nous arrêtons aussitôt pour faire face à ce nouvel ennemi, et nous avons commencé à faire feu jusqu'à ce que la plage fût complètement dégagée.

Puis ensuite nous sommes remontés jusqu'à Séhoul, notre but était atteint, nous connaissions la rivière, le lendemain nous sommes repartis mettre le feu dans la ville qui avait tiré sur nous et nous sommes redescendus la rivière. Mais le roi de ce pays avait envoyé des ordres pour couper notre route. Lorsque nous sommes repassés devant Kang-Hoa tous les forts de la ville ont tiré sur nous, mais ce sont des maladroits qui ont de mauvaises armes et qui ne savent pas s'en servir, aucun de leurs projectiles n'a pu nous atteindre et nous sommes passés fiers devant eux et le soir nous étions mouillés à l'île boisée, à côté de la corvette et nous repartions le lendemain pour Tché-Fou rejoindre la division navale.

Vous ne pouvez pas vous faire une idée de la quantité de monde qu'il y a dans ce pays, la côte était littéralement couverte par eux. Hommes et femmes sont habillés de blanc ce qui fait qu'on [peut] les distinguer de très loin, les femmes ont les cheveux nattés et [ils] retombent en queue derrière leur dos, comme les chinois, les hommes ont le dessus de la tête rasé et les cheveux du tour de la tête sont ramenés ensemble par dessus et forment une petite houppe très courte qu'ils rabattent sur le front. Le costume de l'homme et de la femme est absolument le même, il n'y a que le genre de coiffure qui diffère entre eux ...

 

 

Fac-simile (scan) de la quatrième page de la lettre du Quartier Maître mécanicien Eugène Masson et de sa signature. Merci à Jean-Pierre Calais (Droits Réservés)

 

... Ayant dressé la carte de la Corée, nous sommes repartis avec toute la division navale, mais cette fois nous ne nous sommes pas fait passer pour des enfants de la lune, mais pour des Français qui venaient venger la mort de leurs compatriotes.

Nos forces se composaient d'une frégate, deux corvettes et quatre canonnières, ce qui pouvait donner à peu près six cents hommes pour le débarquement. Arrivées à l'île boisée, la frégate et les deux corvettes y sont restées mouillé, car il n'y a que les petits navires qui puissent remonter la rivière, nous avons pris leur compagnies de débarquement à la remorque dans des canots et nous avons remonté la rivière avec les 4 canonnières et nous nous sommes présentés devant Kang-Hoa qui est une de leurs villes la mieux fortifiée, et [ils] n'ont pas essayé de faire résistance, nos marins sont débarqués et ont pris aussitôt leurs positions à terre, les jours suivants ils ont pénétré à l'intérieur des terres et chassaient les coréens de leurs positions, avant même qu'on arrive à portée de leurs canons. Pendant ce temps les canonnières bloquaient la côte et canonnaient les forts et les villes du rivage opposé. Dans les diverses reconnaissances que l'on a faites nous avons eu 50 hommes blessés dont cinq officiers et trois morts, on a trouvé des poudres, des canons, des fusils et des flèches en quantité prodigieuse ; on a trouvé aussi 23 caisses de lingots d'argent et quelques unes pleines d'or, partout où nous avons passé, on a incendié, car le roi ne veut pas se soumettre et menace de mort tous ceux de nous qu'il pourrait prendre.

Nous quittons la Corée pour venir passer l'hiver en Chine car nous ne sommes vraiment pas assez de monde pour occuper toute cette puissance, il est probable que si le roi ne s'est pas soumis pour le printemps prochain, on y reviendra avec des forces supérieures que l'on nous enverra de France.

Nous sommes en ce moment à notre station de Ning-Po et j'espère tous les jours le transport qui doit arriver pour le sûr ce mois-ci, par conséquent je pense être en France pour la fin de février.

Je termine ma lettre car voici la nuit, et surtout qu'elle ne vous effraie pas car vous savez que je ne quitte pas ma machine par conséquent je ne risque pas de recevoir un coup de fusil à l'imprévue surtout à Ning-Po où j'ai eu du si beau temps dont je ne me prive pas maintenant.

Je termine ma lettre en vous embrassant de tout mon cœur. Je suis pour la vie votre fils

Masson Eugène, quartier-maître mécanicien
 Tardif, Ning-Po

Des compliments à toute la famille et à tous ceux qui s'intéresse à moi des compliments à Emile ????, détaillez-moi la conduite que tient mon frère Célestin, réponses de suite.

J'écris en même temps qu'à vous une lettre à mon cousin Jean ???? sur laquelle je lui communique mes nouveaux...

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Déchiffrement Jean-Pierre CALAIS (Droits réservés)

Jean-Pierre CALAIS, retraité de l'enseignement, est un passionné de langue picarde et de généalogie. Retrouvez-le sur le site dont il est le webmestre : http://ches.diseux.free.fr

- Remerciements pour cette communication dont l'intérêt historique est évident et qui éclaire l'article "L'expédition de l'Amiral Roze" emprunté à Marc ORANGE, France-Corée, inclus dans la rubrique "La France manque une opportunité..."


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Extraits de: ÉCHOS D'ASIE

 

La lettre du groupe d'amitié France Corée de l'Assemblée Nationale

Février 1999

L'AMBASSADEUR DE CORÉE EN VISITE À L'ASSEMBLÉE

Le mardi 19 janvier 1999, M. Jack LANG, Président de la Commission des Affaires Étrangères et M. Pascal TERRASSE, président du groupe d'amitié France-Corée, ont reçu Son Excellence l'ambassadeur de la République de Corée, M. KWON In-yuk. M. KWON, qui était jusqu'en avril 1998, ambassadeur aux Pays Bas, est un grand ami de la France où il a déjà été en poste comme Ministre de 1983 à 1985. Diplomate de grand talent et francophone averti, il a présenté à ses interlocuteurs la multiplicité et la qualité des échanges entre Paris et Séoul...

... Évoquant ensuite le domaine de la culture, M. KWON a rappelé que son pays en faisait un axe majeur de la coopération bilatérale et souligné que la Corée était le pays d'Asie qui comptait le plus d'étudiants apprenant le français.

La question des archives royales coréennes a fait l'objet d'un long échange entre les participants.

La Corée réclame en effet la restitution d'archives dont la Marine Française s'était emparées en 1866 {lors d'une expédition de représailles suite à l'assassinat de missionnaires: voir article ci-après} et qui sont déposées à la Bibliothèque Nationale de France.

En visite à Séoul en 1993, le Président François MITTERAND avait promis de trouver une solution à la requête coréenne en retenant la solution d'un prêt croisé à long terme (compte tenu de l'inaliénabilité de toute collection nationale...) en échange d'un dépôt d'œuvres de la Corée en France. Lors de son élection en décembre 1997 en pleine tourmente financière, le nouveau Président de la République de Corée Monsieur KIM Dae-jung n'avait pas manqué de rappeler à la France cette promesse non tenue . Les modalités juridiques ayant été trouvées, les Présidents Jacques CHIRAC et KIM Dae-jung, ont décidé de confier le règlement pratique de cette question à deux médiateurs. La partie française vient de désigner Monsieur SALLOIS de la Cour des Comptes, ancien Directeur des Musées; le nom de l'Expert Coréen est attendu dans les semaines à venir.

Une issue harmonieuse est donc permise pour cette année 1999 qui s'annonce sous le signe de la Corée: prochainement, le Président KIM Dae-jung envisage d'effectuer une visite d'État en France à l'invitation du Président CHIRAC. Une nouvelle qui vient conforter la volonté politique des Parlementaires français d'œuvrer, avec leurs Amis Coréens, à l'essor des relations entre la France et le "PAYS DU MATIN CALME"

Léon C. ROCHOTTE,

D'après  Pascal TERRASSE, Député de l'Ardèche (PS), 
Président du Groupe d'Amitié France-Corée à l'Assemblée Nationale (1999).

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L'affaire des archives vue du côté coréen

 

L'affaire des archives coréennes "dérobées" par la France en Corée en 1866, fort peu popularisée en France, fait aujourd'hui l'objet de controverses passionnées du côté coréen. Ainsi, un article paru dans Le Courrier de la Corée le 4 septembre 1999 a exposé les résultats des recherches d'un universitaire coréen enseignant à l'université de Lyon III, sur ce sujet. Dans cet article il récapitule les données du problème. Il semble évident que cette affaire soulève de graves difficultés, car les livres dont il est question font désormais partie du patrimoine national français et sont, de ce fait, inaliénables...

Christian PERSON

Alors que les négociations concernant le rapatriement des ouvrages coréens anciens saisis par la France à la fin du XIXème siècle (*) sont en cours, un chercheur coréen vient de présenter une liste "corrigée" qui contient de nouveaux documents.

Une recherche dans les catalogues de la Bibliothèque Nationale de France a indiqué que la liste des biens culturels saisis par la Marine française en 1866 devrait comprendre 43 ouvrages, deux cartes et sept rouleaux en plus des 297 ouvrages déjà confirmés, a annoncé l'agence de presse Yonhap, citant Li Jin-Mieung, maître de conférence à l'Université Lyon III et responsable de la section de coréen de cette université.

Au moment de la saisie, les français avaient classé les documents à l'aide de termes très ambigus tels que "trois cent grands livres", "neuf petits livres" et "treize petits livres dans une boîte de bois blanche".

Quelques mois auparavant, un professeur de l'Université Nationale de Séoul avait déclaré que la liste proposée par les Français, n'incluait pas les documents dont la France s'était emparée depuis 1866.

Les documents complémentaires qui viennent d'être vérifiés incluent 43 ouvrages imprimés, dont un qui représente le lignage de la famille royale Yi. La liste comprend aussi une carte de l'Asie de l'Est qui date du 17ème siècle, l'estampage d'une carte du ciel sur pierre et sept rouleaux montés, dont certains avaient déjà été signalés par Yi Tae-Jin, de l'Université Nationale de Séoul comme manquants dans la liste présentée par les Français.

"J'ai établi la liste (révisée) en faisant des recherches à la Bibliothèque Nationale, à Paris, et dans bibliographie de la dynastie des Yi, publiée en 1894-1896 par un Français, Maurice Courant, qui travaillait comme interprète en Corée entre 1890 et 1892" a précisé Li Jin-Mieung. Il a ajouté qu'il était persuadé que, d'après l'époque de publication de cette bibliographie rédigée par l'interprète français étaient ceux qui avaient été saisies dans les archives royales de la dynastie Yi, situées dans l'île de Kanghwa, une île de la côte occidentale de la péninsule coréenne. Or il apparaît que tous les ouvrages du royaume de Choson déposés à la Bibliothèque de France avant 1894, doivent provenir de l'île de Kanghwa.

Li Jin-Mieung a cependant fait remarqué que la plupart des 43 ouvrages que la France avait omis dans la liste destinée aux négociations, selon l'accusation de l'Université Nationale de Séoul, provenaient de la collection privée de Collin de Plancy, le premier consul général de France en Corée. La collection a été vendue aux enchères en 1911.

Pour le professeur Li Jin-Myeung, "il serait beaucoup plus efficace pour les deux pays de participer aux négociations avec une solide connaissance des objets de la négociation". Il a également ajouté : "j'espère que la nouvelle liste aidera à effacer les malentendus et les suspicions entre les deux pays et conduira à de bon résultats dans les négociations qui se tiendront en septembre (1999)".

La solution de ce problème semble extrêmement difficile. En effet, les Français considèrent que ces documents font partie du patrimoine national et sont, à ce titre, inaliénable. C'est pourquoi les autorités françaises envisage de prêter ces documents à la Corée. Les Coréens sont disposés à accepter un prêt, mais pour une durée indéterminée, ce que les Français ne sauraient accepter. L'importance de cette affaire se mesure également à la position des deux négociateurs désignés par les gouvernements respectifs : c'est-à-dire Han Sang-Jin, président de l'Institut des Études Coréennes ( The Institute of Korean Studies) et Jacques Sallois, ancien directeur des Musées de France et actuel président de chambre à la Cour des Comptes

Courrier de la Corée 4/9/1999 - cité par Christian PERSON "Mutasie"



Addition du webmestre (Octobre 2000) : C'est dans le "butin" conquis par les Marins français que se trouva inclus de précieux manuscrits relatifs à la Dynastie Choson. Les Coréens considèrent que ces Archives Royales sont pour eux d'une très grande importance culturelle et patrimoniale. Ils ne tardèrent guère à en réclamer leur restitution par la France. En visite à Séoul en 1993, le Président MITTERAND avait promis d'étudier ce problème. En 1997, en pleine tourmente financière, le Président KIM Dae-jung nouvellement élu ne manqua pas de rappeler cette promesse. La visite d'État qu'il accomplit en France en Mars 2000 fut pour le Président Coréen l'occasion de s'entretenir de ce contentieux directement avec le Président Français et de créer une amorce de solution. Le sommet de l'A.S.E.M. des 20 et 21 Octobre 2000 à Séoul, a donné aux deux dirigeants KIM et CHIRAC l'occasion de faire le point sur cet épineux sujet.

Voir la revue de presse du 21/10/2000
 
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